Photo en plongée de chaussures et d'un sac de randonnée sur fond d'herbe
Le Coin des Mecs

La marche à pied, éloge de la lenteur.

La marche se résume trop souvent à effectuer un simple déplacement d’un point à un autre. Mais, c’est aussi et surtout, si on s’en donne la peine, la découverte de ce qui est autour de soi, des paysages majestueux aux détails les plus anodins de notre quotidien.

Photo d'un paysage industriel envahit par la végétation

J’aime la marche

Je ne sais pas vous mais moi, j’aime marcher.

Ça doit dater de l’adolescence, lorsque mon père m’emmenait aux pissenlits et aux champignons. J’avoue, à y repenser, avoir préféré la recherche, souvent infructueuse, de ces derniers : on était en forêt. Parmi les arbres, les feuilles, les mousses et les oiseaux.
Et la forêt, c’est magique…

Et puis, il y avait ces déambulations nocturnes quand on se retrouvaient entre potes, à boire des coups et refaire le monde, à tenter de capter des filles un regard, susciter un sourire…
Au retour, le bonheur de parcourir les rues et avenues désertes, baignées par un éclairage fantomatique.
Et la ville, la nuit, c’est magnétique…

Quand enfin, je réussis à obtenir poussivement un diplôme en design urbain, au grand soulagement de mes parents, de mon père surtout, j’ai, grâce à l’un de nos professeurs, pris l’habitude de lever les yeux en marchant, notamment en ville. Et ça, ça change tout…

La marche à pied, même rapide, offre une vision de l’environnement, de ce qui nous entoure, que les autres moyens de déplacement ne permettent pas, à l’exception peut-être de la bicyclette, pardon, du vélo, mais celui-là ne passe pas partout où vous pouvez passer pedibus jambus.

La marche à pied sollicite la plupart de vos sens, c’est une expérience entière de sensations… Vous ne me croyez pas?
Allez, je vous emmène…

Photo du lever du solei derrière un clocherDépart dans le matin flamboyant d’un début de printemps glacé.
C’est dimanche, les maisonnées sont encore saisies par l’engourdissement de la nuit.
Chaussures et pantalon de marche, coupe-vent, écharpe et sac à dos: je suis paré.
Démarrage du mouchard GPS qui me donnera la distance parcourue et mon rythme moyen, pour moi c’est juste à titre indicatif, point de compétition là-dessous!
Je descends plein Est face au soleil qui termine d’incendier le ciel.
Il va faire beau.

La Kinesthésie et le Toucher

Kinesthéquoi?

La kinesthésie. Les sensations des mouvements de son corps. Ni plus, ni moins.

Mes chevilles compensent la pente, mes genoux amortissent les cinq raides volées de marches qui me conduisent au centre-ville.
Mes jambes s’activent à trouver un bon rythme, c’est de la marche certes, mais faut suer un peu tout de même!
À un carrefour, le trottoir étroit me surprend à effleurer de la main gauche les pierres de taille d’une maison. La pulpe de mes doigts sent furtivement le grain de la maçonnerie.

Je continue, traversant les rues désertes, croisant de rares passants. Je bifurque et gagne la sortie de la ville.
Mon rythme est bon, tout du moins à mon standard, et je commence à ne plus sentir le picotement du froid qui m’avait saisi les premiers mètres durant…

Photo de détail de l'écorce d'une arbreEntrée-sortie de la ville : les structures ajourées d’une usine sont le jouet du soleil. Je passe de l’enrobé des trottoirs à la pierre jaune concassée… Sensations sous mes semelles lorsque je marche sur des morceaux plus gros. Je laisse derrière moi le mail de platanes dont l’implantation à côté de la route, m’a toujours laissé perplexe.

Plus loin, je contourne le vieil arbre que j’enrage de ne pas avoir photographié avant qu’il ne soit mutilé pour laisser passer les camions, main droite sur l’écorce rugueuse de l’ancien qui a dû en voir…

La vue

Usine en sommeil – doux euphémisme – à droite, usine en activité à gauche, hypermarché – un de plus – direction le centre-ville voisin.

Le bleu du ciel au milieu duquel rayonne, et c’est peu de le dire, notre astre salvateur. Un furtif coup d’œil dans sa direction et le rappel à l’ordre est instantané : un halo rouge vaguement circulaire le temps que la persistance rétinienne ne dure… On ne se mesure pas à lui.

L’herbe nouvelle dispute les accotements aux graminées desséchées de la saison passée. Les arbres affichent la dentelle de leurs branchages dénudés par l’hiver.
ZAC et lotissements, une entrée de ville banale.

Changement de cap au travers d’équipements sportifs, un collège et de résidences récentes.
Des herbes folles forcent l’admiration en perçant routes et trottoirs. Mousses et lichens s’invitent sur les murs et les arbres en de subtils camaïeux de vert ou de jaune.

Arrivé dans le centre-ville, les détails des bâtiments se multiplient : peintures écaillées, enduits rénovés ou en décrépitude, plaques de rues aux noms plus ou moins évocateurs, ateliers aux fenêtres lugubres, gravats, décharges sauvages, accumulations dans les cours d’objets impossibles, jardins impeccables ou en friches, accueillants ou fermés, clôtures grillagées, basses ou hautes, interphone avec caméra, portails en métal plein, mises en garde, volets clos ou non, boîtes aux lettres débordant de prospectus aux couleurs affadies par la pluie…

L’ouïe

Je poursuis, attentif désormais aux bruits étouffés des voitures que je croise, aux roucoulements des tourterelles – madeleine personnelle d’un temps révolu – aux chants des oiseaux, merles et mésanges qui échangent à tue-tête. Au loin je perçois par intermittence le martèlement d’un pic vert, le son des cloches, la brise fraîche, doux bruissement dans les hautes graminées, le grincement des branches, et des enfants qui s’agitent dans les rues voisines.

J’aborde une route à forte circulation, le trafic augmente, avec lui, le passage des véhicules se fait plus bruyant. Je m’écarte, empruntant le ballast d’une voie ferrée désaffectée, mes pieds hésitants sur le lit de laitier sur lequel reposent les rails.

Un lièvre, surpris lors d’une pause, détale à toute vitesse à travers l’immense friche industrielle.

J’approche de la rivière, jadis domptée par l’industrie des hommes, le son de l’eau vive apaisant et fortifiant m’accueille.

Reprenant mon chemin, je marche, retournant vers le brouhaha de la ville, à présent totalement éveillée.

L’odorat

Quittant les berges qui libèrent des odeurs douceâtres de végétation en décomposition et de vase mêlées, j’aperçois les cahutes de tôles et de bois des jardins ouvriers sur l’autre rive. Je sens la fumée d’un poêle à bois, quelqu’un prépare son lopin de terre pour les plantations à venir.

Mon parcours me mène maintenant parmi les maisons et immeubles, humant les effluves des repas que l’on prépare, soupes, plats mijotés, viandes grillées…
Je marche le long de Prunus en fleurs, dont le parfum délicat flatte mes narines. D’une pelouse proche s’exhale l’odeur du gazon fraîchement coupé.
La température a grimpé, avec elle se libèrent des effluves de goudron, de pneus et de plastiques surchauffés.

Mon périple touche à sa fin à proximité d’un restaurant dont les cuisines me rappellent la frugalité de mon petit-déjeuner et l’heure avancée : j’ai faim!

La marche à pied, une aventure sensorielle pleine et entière, vous en doutiez?

Plus maintenant!

J’aurais pu évoquer la marche après une averse et les odeurs de terre ou de routes après la pluie, la marche en forêt sur les tapis de feuilles et de branches mortes, la marche en ville et les gens que l’on y croise, du franc bonjour au regard rivé sur le macadam…

À vous de jouer, de vivre vos propres expériences et découvrez ou redécouvrez votre ville, votre village, leurs abords avec un regard nouveau et vos sens en éveil…

contact@vincent-garrett.info'

Vincent

Amateur de musiques, de livres, d'histoires petites ou grandes, curieux de tout et souvent la tête dans les étoiles…

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1 commentaire

  1. autogyre@hotmail.fr'

    La marche, il n’y a que ça de vrai ! Ça permet effectivement d’être plus attentif à ce qui se passe autour de nous, pourvu qu’on le veuille. On accède alors à des trésors.

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