La Malle aux Livres

Le Garçon – Marcus Malte

Je ne sais pas combien de temps Marcus Malte a mis pour écrire ce livre… Je me suis souvent posée la question au fil de sa lecture tant ce livre m’a bluffée par sa forme et son fond.

J’ai mis un peu plus de temps que d’habitude à le lire.

Parce qu’ici chaque phrase se lit, se déguste, se relit pour être sûr de n’avoir rien laissé passer.

Marcus MalteJ’ai l’habitude de photographier les passages que j’aime, qui me marquent, pour ensuite les réécrire dans de jolis carnets (Oui, oui, je me soigne!). Mon téléphone est donc désormais rempli de photos du Garçon (Changer de psy en urgence, dites-vous? Hum… Mais euh… Je l’aime bien le mien….)

C’est un livre très « littéraire » – j’entends par là que les tournures de phrases sont exigeantes, le vocabulaire souvent soutenu, les  références culturelles nombreuses, la ponctuation ne laisse rien au hasard, mais il n’est en aucune manière pédant.

Non, parce que les bouquins-qu’il-faut-ab-so-lu-ment-avoir-lu-sinon-vous-avez-raté-votre-vie-en-littérature, et ben moi, j’y arrive pas!

Faut que je prenne du plaisir et que je comprenne tout de suite ce que je lis. Dois pas être très courageuse comme fille (Si, si, je vous assure, il est bien mon thérapeute…).

Et ici, donc, le plaisir est à chaque page…

Allez, j’illustre…

Le coeur. Il parle du coeur. Il dit que c’est ici qu’elle repose, la beauté. A l’intérieur. C’est ici qu’elle palpite et irradie. Il dit qu’il est toujours étonnant de découvrir sur quel immonde terreau s’épanouissent les fleurs les plus resplendissantes. Dans quels écrins ignobles se nichent les plus précieux joyaux. Pense à la rose sur le fumier. Pense à la pépite d’or pur qu’il faut arracher à ses scories. Il dit que ce sont des images usées jusqu’à la trame mais qui néanmoins expriment une vérité vraie. Le coeur, fiston. Pas de muscle plus tendre. Une éponge. Il pourrait tout absorber. Il pourrait tout contenir. Et cependant, dit-il, ce qui est plus étonnant encore, c’est que les hommes passent l’essentiel de leur existence à l’endurcir et l’assécher.

Vous avez saisi là ce que j’essaie poussivement de vous dire?

L’histoire?

Aaaah… L’histoire…

Celle d’un jeune homme né à la fin du 19ème.

Il n’a pas de nom, il ne parle pas et doit se lancer à la découverte du monde – je vous laisse comprendre pourquoi.

Puisque mutique, c’est au travers des autres que nous ferons sa connaissance.

L’occasion de nous promener dans les campagnes profondes du début du XXème et de frayer avec leurs habitants, de voir grandir une magnifique amitié avec un homme d’une profonde humanité, de se trouver plongé au coeur de la première guerre mondiale comme rarement cela m’était arrivé – ce passage est d’une intensité rare…

Et puis… Et puis, Emma… Emma! Quelle femme incroyable! Une femme libérée, philosophe, érudite et… sensuelle, extraordinairement sensuelle.

Leur histoire permettra à Marcus Malte d’écrire quelques pages d’un érotisme rare, d’une finesse que j’ai rarement lue (au fait, chef? On devait pas faire un article sur l’érotisme?), tout en y mêlant les grands auteurs de ce début de siècle si riche.

Allez, je vous offre, joueuse, un poème qui en est issu. Il est à décoder… Et si vous ne trouvez pas, rendez-vous avec « Le Garçon »…

« Je voudrais sur-le-champ
Abolir le passé.
Que se dresse ton glaive,
Ô oubli bienfaisant,
Et s’enfonce ta lame
Dans mon âme angoissée.
Par le biais de mes lèvres
Je prie pour oublier.
Que tu m’ouvres et me fendes,
Ô miséricordieux,
Ici même. Que tu bandes
Mes yeux au souvenir
Et m’arrache d’un coup
Tout regret, tout remords
– Ces maudits vêtements
Qui habillent mes torts –
Et me prenne dans l’instant
Cette mémoire atroce.
Oh! oui, viens, je t’en prie!
Pitié pour mes vieux os!
Vite, viens décharger
Mon âme du fardeau qui
L’habite au plus profond!
Ô oubli bienfaisant!,
Sur-le-champ je voudrais
Renaître à la douceur.
Que jaillisse ton jet
Pour apaiser mon coeur
Brûlant comme la foudre.

Ce livre m’a tiré des sourires, quelques larmes, beaucoup d’émotion – une belle émotion, m’a procuré un plaisir inouï…

Il nous offre un regard très lucide sur le monde – qui dit lucide, dit sombre aussi… Avec ce fol espoir que l’amour peut tout.

J’avais commencé l’année 2016 avec ma plus grande claque littéraire de ces dernières années – « Nous rêvions juste de liberté », je l’ai terminée avec cet autre énorme coup de coeur.

La découverte de deux plumes, très différentes, mais la même envie de découvrir ce qu’elles ont pu écrire avant et de me précipiter sur ce qu’elles feront ensuite.

Et surtout, surtout, le même désir de les offrir à tous les gens que j’aime.

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