« 1 rue des Petits-Pas » de Nathalie Hug.
Les petits pas nous mènent dans un village de Meuse au lendemain de la première Guerre Mondiale. Ce village, comme beaucoup d’autres à cette époque sombre de notre Histoire, est dévasté par les atrocités de la guerre aussi bien sur le plan matériel que sur le moral des Hommes. Ainsi, durant la guerre les femmes ont dû vivre et faire sans les hommes, qui à leur retour de bataille ne retrouvent plus ni leur place ni leur autorité d’avant. Celles-ci sont occupées par leurs femmes, leurs mères, leurs sœurs…qui dirigent le quotidien et ne sont pas prêtes à laisser les hommes revenir au pouvoir.
Dans ce décor, Louise une jeune fille orpheline de 16 ans qui a été atrocement violée par des soldats, est prise en charge par Anne une matrone, ou accoucheuse. Mais le travail de Anne ne se cantonne pas qu’aux naissances mais également à tous les autres maux intimes des femmes. Vida, la mystérieuse, la seconde au quotidien et travaille à ses côtés nuit et jour. Vida nous parait comme un personnage aux allures très dures, froides voire même insensibles. Louise est fascinée par cette Vida, toujours là où on ne l’attend pas, sauvant in-extrémis une vie puis disparaissant à nouveau mystérieusement.
Le « 1,rue des Petits-Pas » est le dispensaire où exerce tout ce petit monde. Louise s’occupe de tout dans le dispensaire aussi bien de la préparation des baumes, poudre, tisane, mais également du petit Jean Baptiste orphelin lui aussi. Elle veut apprendre à lire, et être sage-femme elle aussi un jour…Vida lui enseigne l’anatomie, les gestes et les soins aux femmes.
Joignant le geste à la parole, Vida ouvrit une grande boîte et me tendit un mannequin en toile et taffetas. L’objet qui représentait un bassin féminin (…) permettait de s’entraîner à bien positionner le fœtus dans la matrice (…). Vida me laissa manipuler l’ensemble(…).
La bataille de Louise s’accompagne d’une bataille amoureuse. En effet, « notre Louise » va connaître des sentiments contradictoires qui vont la déstabiliser tout en la réconfortant par le mystère qui entoure l’être aimé. Ainsi Louise grandit sous nos yeux, devient une femme qui sait ce qu’elle veut, ce qui est bon pour elle et qui fait preuve d’un courage face à ce monde qui tente d’effacer les horreurs de la guerre, avec l’aide du camp américain basé non loin du village, et de se reconstruire pas à pas.
La mort doit glisser sur toi comme la pluie sur les vitres, si tu la laisses te posséder elle prendra ta confiance et tu exerceras dans la peur.
Ce dispensaire au 1,rue des Petits-pas est le pas numéro 1 de Louise pour être femme et aider les autres femmes à sortir des atrocités de leur quotidien.
Sophie.
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De Nathalie Hug je n’avais lu que la trilogie W3, écrits avec Jérôme Camut.
J’ai lu « 1 rue des Petits Pas » au cœur de l’été, sous une chaleur écrasante.
Mais malgré cela, j’avais froid. J’étais dans cette campagne glaciale et austère, dévastée indirectement par la guerre toute proche, et le manque d’hommes pour la travailler, cette terre devenue aussi stérile et vide que le cœur des gens. Un village vide de tout. Sans la présence d’Anne et de Louise, j’aurais presque dit « vide d’humanité aussi ».
Mais non. Parce que ces deux femmes donnent à ces fantômes survivants un bel exemple d’humanité et de solidarité.
La violence que les hommes ramènent du front s’exprime de différentes manières. Relations sexuelles bestiales, à la limite du viol, parfois, laissant des blessures profondes aux femmes partagées entre la joie de les revoir et la peur des jours à venir. La guerre semblant les avoir dépossédés de leur retenue, de leur bon sens, d’une partie de leur intelligence; à aucun moment, ils ne se rendent compte que la convoitise, la jalousie, la soif de pouvoir et de domination, tout ce qui les a menés dans ces innommables tranchées, sont désormais leurs…
Louise, ce bout de femme à l’humanisme bien trempé, soigne et essaie de redonner de l’espoir à ces femmes tout aussi meurtries par la vie et la guerre. Sans le savoir, elle est un bel exemple de féminisme, se battant pour ce qu’elle estime juste, dénonçant à sa façon les aberrations de cette société patriarcale, au risque de tout perdre ou de finir en prison.
La guerre fait des ravages, c’est un fait attesté. Sur les ruines fumantes d’une société anéantie, dans les décombres parsemés de vies brisées, sur les débris matériels et psychologiques, poussent parfois un espoir, sous diverses formes, différents noms… Ici, il s’appelle Louise. A travers les temps, les époques, les pays, des femmes ont montré que l’espoir existait au sein de guerres innommables, d’après-guerres fratricides et dénuées de pitié.
Avec sa plume magnifique, efficace et aiguisée, Nathalie Hug sait parfaitement nous rappeler combien elles méritent notre plus profond respect et notre plus grande admiration.
Nath.