Claudine Chollet est l’auteure, entre autres, de la série Polycarpe publiée aux éditions Tutti Quanti.
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Votre premier manuscrit envoyé à un éditeur, racontez-nous ?
Mon premier manuscrit envoyé, c’est un « Poulpe » de la série culte des années 90 créée par Jean-Bernard Pouy. À propos de ce petit polar, j’ai une anecdote : je ne connaissais pas cette série écrite par des auteurs différents à partir d’une bible commune. Or le premier « Poulpe » que je lis (de Pascal Dessaint) se passe exactement là où je possède une grange à foin que je retape alors chaque été en Ariège : le crime est même commis dans magrange. Tout y est, les lieux, les gens et… l’ours. Y voyant un signe, j’écris en 2 mois ½ un « Poulpe » que j’adresse à l’éditeur La Baleine. Mon manuscrit sera publié… quatre ans plus tard. Inutile de dire que je n’y croyais plus. Le bouquin s’est très bien vendu. Alors que l’éditeur était sur le point d’en faire une BD, dépôt de bilan… pas de bol.
Le personnage principal de ma propre série des « Polycarpe » porte le patronyme de Houle, histoire de filer la métaphore maritime en hommage à La Baleine et au Poulpe qui m’ont porté chance.
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Écrire… Quelles sont vos exigences vis à vis de votre écriture ?
Le style fait l’œuvre, comme la gestuelle et les expressions sont le reflet de la personnalité. Au-delà de l’histoire qui est racontée, le plaisir de la lecture vient du rythme, des sonorités, du choix des mots, des tournures de phrases, du point de vue de la narration : on doit montrer les scènes sous différents angles, zoomer, prendre du champ, etc. L’effet produit sur le lecteur doit être l’objectif de l’écrivain. On écrit pour être lu, pour témoigner le mieux possible de notre condition d’humain, non pour complaire à soi-même. Contrairement aux apparences, les styles les plus limpides sont les plus chiadés. J’approuve ce que dit Éric Maravélias sur les dialogues : dans un roman, on ne peut pas reproduire les dialogues de la vraie vie, ce serait insupportable pour le lecteur.
Tous les genres littéraires sont possibles, mais c’est par l’écriture que l’auteur va plus ou moins toucher le lecteur, laisser son empreinte.
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Écrire… Avec ou sans péridurale ?
Sans. Je suis même tellement maso que les douleurs de l’enfantement, ça me plaît… Et puis, comme pour les vrais naissances, une fois le « travail » fini, on se réjouit de son bébé, on ne se souvient plus de la douleur.
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Écrire… Des rituels, des petites manies ?
Quand j’ai beaucoup travaillé un paragraphe que je dois supprimer, ça me fait mal au cœur, alors je le place dans un fichier nommé « paragraphes en réserve » avec la consolation de me dire que je les réutiliserai. En fait, je ne les réutilise jamais…
Sinon, j’aime boire un whisky à la fin d’une journée d’écriture, pour passer agréablement du monde virtuel au monde réel !
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Écrire… Nouvelles, romans, deux facettes d’un même art. Qu’est-ce qui vous plaît dans chacune d’elles ?
Écrire des nouvelles est pour moi un art un peu frustrant car j’aime entrer dans l’intimité de mes personnages, les retrouver comme des amis, ce que me procure l’écriture des romans. Le roman rend compte de la vie en société, tandis que la nouvelle montre des personnages à un moment clé de leur destinée. En dehors de ma saga des « Polycarpe », j’aime écrire des « instantanés », sorte de récits courts où je montre des comportements révélateurs d’une personnalité, sans scénarios ni chutes… qui épinglent nos congénères.
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Votre premier lecteur ?
Quand le livre est achevé, quand je ne me demande plus comment je vais continuer le récit parmi les dizaines d’options narratives possibles, je fais ma propre relecture. Mais mon mari est le véritable premier lecteur, intransigeant mais juste. Il ne laisse passer aucune invraisemblance, ni erreur de date… Je ne soumets plus mes manuscrits à mes amies ; malgré leur bienveillance, elles considèrent que tant qu’un livre n’est pas imprimé, il n’est pas fini et me suggèrent d’autres péripéties, une autre fin…
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Lire… Peut-on écrire sans lire ?
Pendant les périodes d’écriture intense, je lis peu de fictions. Je lis des biographies, des revues, des journaux. Je ne veux pas me laisser influencer par l’écriture des autres auteurs. Je vis en symbiose avec mes personnages ; le soir je m’endors en imaginant ce qu’ils feront le lendemain…. Hors période d’écriture, en revanche, je lis beaucoup. Je suis tentée par les romans promus dans la presse, je les achète, mais hélas je suis souvent déçue… J’apprécie bien les chroniques des blogueuses littéraires qui permettent de faire un choix avant d’acheter les livres.
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Lire… Votre (vos) muse(s) littéraire(s) ?
Caldwell avec Jenny toute nue, Duras et ses petits chevaux de Tarquinia, Virginia Woolf avec Mrs Dalloway et La promenade au phare… mais aussi Le Décaméron de Boccace, Les Illusions perdues, L’éducation sentimentale… Les auteurs qui m’ont donné envie d’écrire des romans policiers : G. Leroux et A. Christie. Et j’ai de la reconnaissance pour Lilian Jackson Braun (la série des chats, Les grands détectives) qui a inventé le roman policier sans policier, sans détective, sans violence, voire sans suspense… mais non sans humour ; grâce à elle, j’ai su que c’était possible !
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Soudain, plus d’inspiration, d’envie d’écrire ! Y pensez-vous ? Ça vous est arrivé ! Ça vous inquiète ? Que feriez-vous ?
Je n’éprouve pas l’envie d’écrire, mais le besoin. Un besoin aussi irrépressible que manger ou dormir. De sorte que je ne risque pas la panne ! L’inspiration, c’est autre chose et ça se résout par le travail. J’ai peur parfois d’être empêchée physiquement d’écrire, je m’imagine mal écrire en clignant des yeux… là, j’abandonne d’avance.
- Pourquoi participer au Trophée Anonym’us ?
C’est une initiative formidable qui met en œuvre des valeurs que je partage : auteurs édités et non édités sur la même ligne de départ, un prix non bidouillés, des lecteurs internautes qui donnent leur avis… et faire partie d’une petite bande d’énergumènes à cicatrices …
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Voyez-vous un lien entre la noirceur, la violence de nos sociétés et du monde en général, et le goût, toujours plus prononcé des lecteurs pour le polar, ce genre littéraire étant en tête des ventes ?
Si le polar est aujourd’hui en tête des ventes, c’est que le pouvoir des bien-pensants de la littérature a perdu du terrain. Les demoiselles Lelongbec qui tenaient les librairies et qui régnaient sur les bibliothèques ont passé la main… La violence de nos sociétés est seulement plus visible : au temps de saint Polycarpe, (1er siècle après J-C) on torturait, on brûlait, on écorchait son prochain pour un oui, un non ! Les polars sondent la violence, en éclairent les causes, montrent les terribles failles de nos congénères.
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Vos projets, votre actualité littéraire ?
En dehors du prochain Polycarpe, Le dernier clou du cercueil, le 8ème de la série, qui sortira en 2018 si tout va bien, je vais publier Les petits secrets de Polycarpe, un recueil de réflexions sur l’écriture de ma série et sur l’écriture en général.
Je prépare actuellement, avec mon confrère Denis Soubieux et ma consœur Nicole Parlange, la deuxième édition de POLAR SUR LOIRE, le salon du polar qui réunit des auteurs de Touraine et du Val de Loire. Ce salon est organisé par des auteurs pour des auteurs, sans interventions d’élus et sans subventions. L’an passé, nous avons fait un tabac. Il aura lieu le 25 novembre 2017, salle Ockeghem, dans le Vieux Tours, de 10 h 30 à 19 h.
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Le (s) mot(s) de la fin ?
Salut aux participants du concours Anonym’us et aux organisateurs.