Je ne crois pas au hasard. Je crois aux rendez-vous. Comme le dit si joliment Paul Eluard.
Je crois en ces rencontres humaines ou pas qui nous font avancer et qui nous mettent parfois un formidable coup de pied au derrière.
Voilà bientôt 3 semaines, j’ai subi une opération du pied. Rien de grave mais cela m’oblige à rester au repos encore quelques temps. Sans conduire. Sans vadrouiller. Ce qui pour une nomade comme moi est une épreuve difficile. Mais pas dramatique. Je passe mes journées à lire, à réfléchir sur la vie en général et la mienne en particuliers. Je bois des litres de café avec ceux et celles qui me rendent des petites visites. Je profite du temps qui m’est offert. Et j’écris. Y’a pire dans la vie, je vous le concède.
Dimanche soir, je me suis allongée sur mon canapé, en proie à des douleurs me rappelant les mots de mon chirurgien « Ecoutez votre douleur. C’est elle qui vous montrera la ligne à ne pas franchir. » Sauf que là, je l’ai franchie cette ligne. Et allègrement. Exercices de respirations. « Je n’ai pas mal. Je n’ai pas mal. » Il fallait que je vide mon esprit et que je me pose. Vraiment. Mes enfants couchés, j’allume l’écran noir de mon salon et je tombe sur ce film que je n’avais jamais eu envie de regarder « Mange. Prie. Aime. » Un « Feel Good Film ». Sans prétention. Julia Roberts qui s’accorde une année sabbatique. 4 mois en Italie pour manger. 4 mois en Inde pour prier. 4 mois à Bali pour croire à nouveau en l’amour. Basé sur le livre d’Elizabeth Gilbert portant le même nom, je me laisse happer par cette histoire somme toute intéressante.
Mon refus très orgueilleux de ne pas céder à l’appel de la codéine m’oblige à me concentrer sur les mots des protagonistes. Certains considéreront ce film comme « léger ». Peu m’importe. Moi il m’a plu. Sans doute parce que mon amour pour l’Italie est immodéré. Mon rêve de visiter l’Inde aussi. Et l’envie de rencontrer un vieillard à Bali est tout aussi ancrée en moi depuis que j’ai lu « L’homme qui voulait être heureux » de Laurent Gounelle. Je passerai ma presque dévotion à l’égard de Javier Bardem, Il poserait son sourire et son regard sur moi que je serais capable d’aller courir un marathon, pied bandé et os pas encore tout à fait ressoudés. Ah Javier… Bref…
Ce film ne restera sans doute pas dans mes films à avoir près de moi en permanence, loin de là, mais il a déclenché en moi cette curiosité typique. Celle des mots que j’ai entendus et qui m’ont un peu secouée. Me rappelant ma propre histoire.
Je suis donc allée acheter le livre hier. Avec ma chère Vanda.
Nous le lisons ensemble et nous nous envoyons des messages quand l’une découvre un passage qui nous correspond. Nous en rions. Nous en sourions. Parfois émues.
Et hier soir, une discussion sur le pardon… Et ce qu’il apporte…
Parce que…
Chaque jour nous montre des souffrances intérieures sur lesquelles nous ne parvenons pas toujours à poser des mots. Nous nous battons contre les souvenirs pas glorieux de notre vie passée. Nous nous interrogeons beaucoup. Nous nous demandons « Et si…. » Vous voyez de quoi je parle n’est-ce pas? Nous remuons un passé qui ne demande pourtant qu’à l’être, passé. Même si c’est lui qui nous a construit, a fait de nous ce que nous sommes. Nous avançons dans notre vie comme on lit un livre, tournant les pages mais en ne pouvant nous empêcher d’aller relire certains passages qui nous ont marqués. Sauf que dans un livre, les mots sont ceux des autres. Et que dans notre vie, les maux sont les nôtres. Nous ne parvenons pas à nous en débarrasser parce qu’ils font partie de nous.
Oui ils font partie de nous. Intégralement.
Et c’est difficile de les oublier. Oublier les lacérations qu’ils ont fait à notre esprit. Oublier les larmes versées et les cris souvent retenus. Oublier le poids qu’ils ont dans notre quotidien, nous faisant parfois dire des choses qui sont erronées. Ou avoir de mauvaises pensées. Ces maux qui deviennent un temps nos meilleurs ennemis. Ceux qui ne nous abandonnent jamais. Ceux qui nous giflent et nous renvoient nos échecs, nos erreurs en plein visage. Ceux qui laissent des cicatrices parfois béantes. Ceux qui nous font nous isoler du reste du monde, persuadés que personne ne peut nous comprendre, nous aider. Ceux qui annihilent en nous la présence d’un espoir. Si infime soit il, cet espoir. Ceux qui nous poussent à nous réfugier dans des paradis artificiels, comme le disait Baudelaire. S’accorder ainsi une sorte de répit qui nous permet d' »oublier », d’avoir le sentiment de nous sentir plus détendus. Avec cette impression de flottement qui nous éloigne un temps de ces questions, de ces maux. Mais cela ne dure pas, jamais. Ils ne sont qu’artificiels ces instants d’oubli. Mais nous nous les accordons pourtant. Repoussant ce mot terrible « dépendance » que les autres, proches ou pas, vous jettent au visage les soirs de colère, de déception envers vous. Des poisons insidieux et lents. Et cela peut durer… Durer… Jusqu’au jour où nous prenons conscience de notre état. Celui où les mots « Solitude » et « Dépression » sont enfin posés. Celui où nous nous regardons dans un miroir et nous nous ne reconnaissons pas. Celui où le mot « souffrance » se lit dans notre regard. Mais nous savons. Nous savons que nous entrons dans une sorte de guerre solitaire.
Alors oui, il faut commencer cette bataille contre nous-mêmes. Cette bataille ô combien difficile mais salvatrice.
Non pas l’oubli. Non. Il ne faut pas oublier. Mais il faut, à ce moment précis où nous en prenons conscience, accepter. Accepter ce mal. Le voir comme une épreuve qui nous a permis d’entamer une vague de changements. Une épreuve qui nous permet d’avancer. D’être en accord avec nos choix.
Lâcher prise.
Envisager l’hypothèse que nous nous sommes trompés à un moment donné. Mais que rien ne se construit sans échec. Quand nous apprenons à lire, nous butons sur les syllabes, les mots, nous recommençons encore, nous essayons de comprendre, nous reprenons au début d’un mot pour le déchiffrer et surtout lui donner du sens. Nous échouons puis recommençons. Quand nous savons lire, il nous arrive de relire une phrase, un passage d’un livre, pour bien en saisir le sens, parce que nous avons l’impression que quelque chose nous a échappé. Puis nous comprenons. Nous sommes d’accord. Ou pas. Mais nous comprenons.
La vie est un perpétuel changement. Que nous soyons acteurs ou pas de ces changements, il nous faut les accepter et essayer de les comprendre. De savoir pourquoi à un moment précis, nous avons décidé de sortir des rails que nous pensions avoir si bien construits. La destruction de ce que nous pensions être indestructible est violente. Il est difficile de regarder ces ruines et de se dire que nous en sommes responsables. C’est vrai. On estime alors avoir le droit de se plaindre. De se lamenter. De crier au monde entier que nous sommes coupables de cela. Mais non. pas forcément. Il faut accepter cette idée qu’autour des ruines, les choses se reconstruisent doucement. Rome, pour en revenir au livre, est une ville fabuleuse construite au milieu de ruines. Nous sommes faits de ces ruines, nous aussi. Mais il faut apprendre à les regarder comme parties intégrantes de notre histoire.
Et surtout…
Pardonner.
Se pardonner.
Pardonner aux autres les moments compliqués que nous avons vécus, englués dans la colère, le mensonge et les non-dits. Parce qu’il y eut de belles choses, avant, malgré tout.
Se pardonner. Apprendre à s’accepter. A s’aimer. A ne plus détester la personne que nous sommes. A ne plus voir en nous cette laideur subjective. Se délester doucement du poids de ces maux. Si nous avons toujours eu une constante bienveillance envers les autres, il faut désormais l’avoir envers nous-mêmes. Réapprendre à voir la lumière quand nous avons l’impression de vivre dans une obscurité omniprésente. Peu importe le bien ou le mal qu’on a pu faire ou eu l’impression de faire. C’est fait. On ne peut pas revenir en arrière. La conscience de ce qui ne doit désormais plus être fait est là. Renoncer à se battre contre des chimères, et accepter de se battre pour soi. Pour se sentir à nouveau vivant. Et envisager la vie sous un autre angle. Changer sa conception des choses. Apprendre à se reconstruire. Autour de ces ruines qui ne disparaîtront jamais mais que nous regarderons, appréhenderons autrement. Ôter ces pensées noires de notre esprit. Soulager nos âmes meurtries.
C’est facile de dire tout ça? Non. ce n’est pas si facile. Sauf quand on l’a vécu. Parce qu’on peut en témoigner. Témoigner que oui c’est possible de se pardonner. De ne plus s’en vouloir. De ne plus se détester. De se délester des choses négatives, tout en ayant conscience que nous ne sommes pas surhumains et que tout peut recommencer si nous perdons cette conscience de qui nous sommes, de qui nous voulons être. Et surtout savoir ce que l’on ne veut plus. En se demandant malgré tout ce que nous voulons. La quête de cet équilibre intérieur est perpétuelle. Le « Prie » d’Elizabeth Gilbert concerne cela: trouver des réponses dans une spiritualité qui nous est propre. Peu importe qui nous prions, ou pas, il faut juste chercher la paix et la force en soi. Au delà des croyances, des religions, des textes prétendus « sacrés ». Cette quête est propre à chacun. Je ne vais pas me lancer dans des explications sur la méditation, la vie dans un ashram en Inde, la quête intérieure selon la philosophique yogique… Rassurez vous!
Je vais juste vous citer ce passage de ce livre surprenant…
« Je suis là. Je t’aime. Ca m’est égal si tu as besoin de passer la nuit debout à pleurer. Je resterai avec toi. Si tu as besoin de reprendre le traitement, vas-y, reprends le, je t’aimerai quand même. Si tu n’as pas besoin de traitement, je t’aimerai aussi. Rien de ce que tu pourras faire n’aliénera mon amour, jamais. Je te protégerai jusqu’à ta mort, et après ta mort, je te protégerai encore. Je suis plus fort que Dépression, plus courageux que Solitude, et rien n’aura jamais raison de moi. (…)
N’oublie jamais qu’un jour, dans un instant d’inattention, tu as reconnu en toi une amie. »
Voilà.
Se pardonner à soi-même.
S’aimer.
On y arrive. Croyez moi. C’est long mais on y arrive.
Love.
Nath.
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Voilà mes princesses, notre conversation d’hier sur le pardon, le soulagement d’avoir accordé le pardon dont on ne pensait pas être capable, m’a donné envie d’écrire…
On se casse chercher Javier à Bali maintenant?
Bonjour Nathalie.Dans la vraie vie nous ne nous connaissons pas mais la magie de Facebook m’a permis de croiser votre chemin et ainsi de découvrir vos merveilleux textes.En lisant celui sur le pardon ce matin j’ai ri(ah Javier Bardem,l’incarnation du Mâle!!!!)mais j’ai également été émue aux larmes,renvoyée à des émotions qui me dépassent quelque peu actuellement.Sachez que vos mots m’ont ce jour énormément apaisée et réconfortée.Merci tout simplement
Merci Fabienne… Votre message me touche beaucoup… Oui il faut apprendre à se pardonner et à pardonner… Cela apporte une sérénité inestimable…Merci à vous pour ces mots… Je vous embrasse.
[…] vivant à 23 ans. Vous l’écoutez. Son regard est rempli de la sérénité de ceux qui ont su pardonner. Vous riez à son invitation à apprendre le yiddish. Le serveur vous dit qu’il vient chaque […]