Véritable dicton: « Octobre emmitouflé annonce décembre ensoleillé »
La passion selon Juette – Clara Dupont-Monod
Née en 1158 à Huy en Belgique, Juette est mariée à 13 ans à un homme beaucoup plus vieux qu’elle. Elle passe d’une enfance sans tourments à une vie qu’elle déteste, et découvre avec horreur la condition des femmes mariées: violences, soumission… Veuve à 18 ans, elle refuse de se remarier en rentrant dans « L’Ordre des Veuves », au grand désespoir de sa famille qui espérait la voir convoler avec un richissime commerçant. Juette, indépendante et révoltée, s’impose une vie quasi monacale, et va désormais s’occuper des lépreux de sa ville, leur offrant tout son temps et son abnégation. Elle refuse le pouvoir de l’Eglise, les défiant par son indépendance et sa foi « pure ». Au fil des décennies, elle va imposer un respect qui défiera les accusations d’hérésie. Elle finira sa vie, recluse, en sainte « laïque ». aimée et respectée.
Clara Dupont-Monod nous offre ici un portrait d’une femme exceptionnelle. Contée à 2 voix, celle de Juette et celle de Hugues, son ami et confident, cette histoire nous montre un Moyen Âge qui craint les caractères forts, ceux qui remettent en question ses préceptes, et qui allume à tour de bras ses bûchers, pour faire taire les « hérétiques », ignorant encore l’importance de la lumière que ceux ci vont diffuser à travers les âges.
A lire absolument.
Rose – Tatiana de Rosnay
L’embellissement des quartiers parisiens fut l’une des priorités du Second Empire. Destruction de quartiers complets puis reconstruction. Le Boulevard Saint Germain est né des décombres de nombreuses rues. Dont la rue Childebert. Dans cette rue vivait Rose. Dans ce quartier détruit vivaient Rose, ses amis, commerçants ou pas, qui se sont vus exproprier pour une somme modique. Mais aucun argent ne peut acheter les souvenirs. Aucune compensation financière ne peut combler le vide laissé dans ces maisons vouées à disparaître.
Rose, par amour pour son mari, va essayer de s’opposer à la démolition programmée de sa maison. Refusant de la quitter.
Avec un jeu subtil de lettres, de narration, de journal intime, nous découvrons Rose et sa vie. Rose et ses combats. Une vie faite de joies, de tristesses et d’Amour. Nous découvrons le Paris méconnu de ces années là. Celui qui a dut renaître de ses cendres pour nous paraître aussi lumineux aujourd’hui. Hélas, Tatiana de Rosnay nous montre combien sa construction fut douloureuse pour ces gens qui perdaient parfois une vie entière en abandonnant leurs biens. Un roman qui oscille entre tendresse et révolte.
La couleur du lait – Nell Leyshon
1831, dans la campagne anglaise vit Mary, 15 ans. Fille de paysans misérables, handicapée par une « patte folle », aux cheveux « couleur de lait », elle n’a pas la langue dans sa poche. Elle dit ce qu’elle pense. Comme elle le pense. Très proche de son grand père grabataire, elle observe la vie des siens avec un regard acéré. Son père la trouve trop lente dans ses corvées, accepte l’offre d’embauche du pasteur du village: elle part de sa ferme pour aider la femme de ce dernier, qui est malade et « éteinte », durant quelques mois. Elle va alors apprendre à lire et à écrire…
Ceux qui pensent que cette histoire est assez traditionnelle se trompent.
Ce livre est une pépite à l’état brut. Vous le prenez et ne le lâchez pas. Dévoré en quelques minuscules heures, j’ai eu des moments d’émotion incroyable.
Mary en est la narratrice: elle raconte sa vie, en 4 saisons. Sa vie de fille de ferme, sa vie de bonne à tout faire, sa vie de fille de compagnie et sa vie d’après. Avec des mots simples, des phrases courtes et à peine construites. Pas de majuscules, ponctuation à peine présente.
Elle nous fait sourire par la pertinence de ses remarques, car Mary est vive et profondément intelligente. Sous ses apparences de fille simple d’esprit. Elle ose affronter les gens, leur dire ce que personne n’oserait. Elle ne laisse rien passer et fait preuve d’une grande délicatesse, malgré tout.
Mais sa condition de fille de ferme la condamne à se taire, à se courber et à ne pas être écoutée. L’espoir d’un changement nous tient jusqu’au moment où on devine le dénouement. C’est dur, cruel. Comme l’était la vie à cette époque, pour les femmes.
UNE PÉPITE A LIRE ABSOLUMENT.
A ce stade de la nuit – Maylis de Kerangal
Il est parfois des noms propres qui déclenchent en nous des vagues de souvenirs: un simple nom de ville, de région, de pays, un prénom… et ceux ci affluent.
En entendant le mot « Lampedusa », Maylis de Kerangal se remémore le film de Visconti « Le guépard », écrit par Giuseppe Tomasi di Lampedusa…
De là vont naître des comparaisons qui échapperont à ceux qui n’ont jamais vu le film. Chronologiquement, tout se passe en une soirée. Elle écoute la radio et réfléchit, compare l’histoire romancée avec le drame humanitaire qui se déroule à nos portes. Elle énumère les morts, disparus, devine leur trajet sur une mappemonde, et moi je fronçais les yeux en me demandant où elle nous emmenait… Court (74 pages) et très documenté. Mais toutes ces considérations si justes ne m’ont pas convaincues. Car certaines subtilités échappent au lecteur.
Mais Maylis de Kerangal a cependant une très jolie plume, un style agréable à lire et cette pensée finale…
« Et ceux de l’île, isolés et pauvres eux mêmes, les avaient recueillis, une couverture sur les épaules, un abri, un repas: ils avaient hébergé ces étrangers, plus pauvres que pauvres, ces êtres qui n’avaient plus rien et ne pouvaient plus prononcer leur nom; ils les avaient relevés et l’humanité entière avec eux. Hospitalité. »
Patte de velours, œil de lynx – Maria Ernestam
Mon goût pour la littérature scandinave, suédoise en particuliers, ne se dément pas avec ce livre. Le mot « pépite » convient là aussi, sauf que… Il est beaucoup trop court.
Sara et Björn emménagent avec leur chat Michka dans leur nouvelle maison, ancienne bâtisse complètement retapée, pour s’éloigner de leurs imbuvables voisins en ville…
Ils font connaissance avec Lars et Agneta, leurs nouveaux voisins, le jour même. Gens charmants et très accueillants. Mais ils ont aussi un chat qui considère le jardin comme son territoire absolu. Et lorsqu’il se met à terroriser Michka, cela va déclencher entre ces deux couples, une série de situations, de tensions, de jalousies, de rivalités assez incroyables… Et cet avertissement pose les choses:
« Un conseil: ne sortez jamais sans votre sécateur. »
A se demander qui sont les animaux et qui sont les êtres humains. C’est amusant, surprenant, caustique.
A lire absolument!
Oona et Salinger – Frédéric Beigbeder
Ce livre m’a été offert par Vanda: « C’est une histoire d’amour » et moi la jolie fleur bleue que je suis, je ne peux résister à une histoire telle que celle-ci. L’auteur, Frédéric Beigbeder, nous entraine dans un premier temps dans un questionnement sur le conflit, qui nous taraude parfois, à savoir celui de l’âge de nos artères et celui de notre cœur ou de notre tête. Il est évident en se regardant dans le miroir qu’on a plus vingt ans mais que ce n’est pas ça qui nous empêche de vivre, d’aimer comme si on en avait vingt. Et c’est là qu’intervient le décalage avec les gens de notre âge artériel. Alors y a-t-il un âge pour aimer, une différence d’âge acceptable pour aimer l’autre ou encore un temps, une distance conventionnelle qui font d’une histoire une belle et vraie histoire d’amour.
La rencontre entre Oona et Salinger est des plus classiques mais la magie qui s’ensuit en est sublimée. Histoire faite de bonheurs simples partagés entre deux êtres aux aspirations différentes mais qui se rejoignent sur un point: le délice de passer du temps ensemble. Ce temps leur sera compté quand les États Unis entrent dans la seconde Guerre Mondiale et que Salinger part se battre en Europe. C’est là que les rapports entre nos deux « amoureux » changent et que chacun prend une route différente. Delà commence un échange épistolaire, parfois à sens unique, dans lequel Salinger parle un peu de la guerre, beaucoup d’Oona et de ses choix.
Cette histoire d’un autre siècle mais tellement du nôtre, nous renvoie une image de nos vies et de nos envies et nous confirme que « Le cœur a ses raisons que la raison ignore » et qu’il faut savoir lâcher prise pour voir arriver de belles choses.
Quand deux langues se touchent, parfois il ne se passe rien. Mais parfois il se passe quelque chose… Oh mon Dieu, il se passe quelque chose qui donne envie de fondre, de se désagréger, c’est comme si on entrait en l’autre les yeux fermés, pour tout changer à l’intérieur.
(Par Sophie)
Le Roi disait que j’étais diable – Clara Dupont Monod
Chronique publiée en partenariat avec Le livre de Poche.
Millenium 4 – David Lagercrantz
Sans doute ma plus grosse déception littéraire de ces dernières années. Et pourtant elles sont nombreuses…. J’explique pourquoi ICI…
Seul au monde quand on s’appelle Alexis Tatou – Yannick Billaut
Le second livre de l’un de nos chroniqueurs… C’est ici…
Pour les amateurs d’aventures rocambolesques.