Une chronique pour un seul livre. Cela faisait longtemps.
Je pensais que la prochaine serait celle de « Piranhas » de Roberto Saviano.
Mais c’était sans compter sur l’arrivée de ce livre, un sombre jour d’automne.
Amélie Antoine « Sans elle »
Solène Bakowski « Avec elle »
Un projet surprenant.
Un même point de départ. Une mère, Patricia, et l’une de ses jumelles, Jessica, partent assister au feu d’artifices de leur petite ville; l’autre jumelle, Coline, est punie et gardée par le père, Thierry. Arrivées sur les lieux de la fête, Patricia discute avec les uns et les autres, Jessica à ses côtés. Sauf que la petite fille veut absolument un collier phosphorescent distribué gratuitement aux enfants. Patricia accepte qu’elle s’éloigne quelques instants, le temps d’aller en chercher un.
« Avec elle »: Jessica revient. Leurs vies continuent avec les hauts, les bas, les crises, les petits bonheurs et les grandes désillusions… Et des jumelles qui grandissent ensemble, différentes au possible.
« Sans elle »: Jessica disparaît dans la foule et ne rentrera jamais. Leurs vies qui explosent, qui sont bouleversées à un point que l’on ne peut imaginer. Et une jumelle qui grandit seule. Avec ses questions sans réponse.
Voilà. Vous avez saisi le projet?
Imaginer deux histoires. Un même point de départ. Deux perspectives différentes.
Et ce même point commun: elles vous entraînent dans une chute vertigineuse de destins qui se brisent. Elles sont sans concessions pour des personnages qui essaient de se raccrocher à des lambeaux de vie ou d’espoir, qui sont malmenés du début à la fin de ces deux possibilités…
Si vous pensez qu’ « Avec elle » est plus « facile » à lire, moins oppressant, parce que Jessica ne disparaît pas, je pense honnêtement que croire au Père Noël est tout aussi naïf. Solène parvient presque à vous le faire regretter. C’est assez déconcertant et vous vous sentez presque mal de penser cela. Vous continuez à lire, zen, en vous promettant de ne plus avoir de mauvaises pensées et bim! Elle recommence. Si elle voulait vous apprendre à détester, elle ne ferait pas autrement. Elle est très forte.
Quant à « Sans elle », si vous pensez deviner la douleur des parents, de Coline, de l’entourage, leurs espoirs, leurs moments de colère et de questions, je pense honnêtement qu’il vaut mieux vous remettre à croire au Père Noël. Amélie sait mieux que quiconque décrire les émotions, les sentiments de ses personnages. Elle semble parfois vouloir apporter un peu de répit à l’histoire mais non… En aucun cas. Elle est très forte.
Elles sont très fortes. Elles ont eu une idée de projet assez bluffante en la matière. Avec une violence délicate, elles nous amènent vers un point de chute inattendu. Qui vous fera penser que ces deux auteurs sont d’une cruauté rare. Sans équivoque. Elles vous malmènent autant que leurs personnages. Ne vous épargnent rien. Mais c’est très bon. Terriblement bon.
Si vous croyez au Père Noël, dépêchez vous de lui commander ce livre. Si vous n’y croyez plus, courrez chez votre libraire pour l’acheter. Et l’offrir. Vous l’offrir. Vous ne serez pas déçus.
[…] Amélie Antoine nous entraîne dans les méandres de ces conflits intérieurs, dans la tête de ces gamins, et de ces adultes qui persistent à vivre les yeux ouverts mais résolument clos. […]