Quelques idées de lectures pour la fin de l’été, pour terminer les vacances ou oublier que celles ci sont terminées.
Le goût sucré des pastèques volées – Sheng Keyi
La poésie orientale a cela de fascinant qu’elle me laisse parfois perplexe, parfois sous le charme au point que je lis et relis les passages qui m’ont tant plus.
Dans ce cas précis, c’est la couverture qui m’a appelée. Le dessin, d’une certaine naîveté, et ce titre. Qui m’a fait sourire, me rappelant les rapines de mon enfance dans les champs, ou les vergers gorgés de fruits d’été.
Parce que c’est cela ce livre. Une bouffée d’enfance. Délicate, forte, tendre et présente. Sheng Keyi nous raconte son enfance à travers des souvenirs, des tableaux lointains d’une enfance pauvre, dans un village reculé, aux habitudes ancestrales. Sa vie quotidienne, ses escapades dans la nature, sa famille, ses contemplations, son chien… Des reproductions de ses peintures ponctuent ses petits récits, nous faisant découvrir avec une plume poétique sa Chine à elle, authentique et profonde, avant que les technologies ne viennent ensevelir tout un pan de l’histoire chinoise. Aux étangs remplis de lotus succèdent des rivières polluées. Aux échanges entre voisins, assis sur les pas de porte succèdent des maisons ultra connectées et coupées de la vie, la vraie. Et Sheng Keyi dénonce ainsi les ravages de la modernité sur les campagnes dépourvues de son enfance. A découvrir absolument.
Ciao Bella – Serena Giuliano
Je ne lis quasiment pas de romans « feel good ». Aussi, quand celui ci est sorti, il ne m’a pas attirée. Je connaissais le parcours de Serena Giuliano, je lisais avec le sourire certains de ces posts, et je ne voyais pas l’intérêt de lire ce premier roman. Persuadé qu’il serait trop léger pour moi. Et puis, des années après… Lors de mon stage en librairie en mai, j’ai sorti « Luna », son dernier, d’un carton, j’ai lu les critiques et je me suis dit: pourquoi pas. Mais je commence par le premier, pour voir la progression de son écriture. Ça, c’est mon côté enseignante qui ressort. Et j’avoue m’être trompée. « Ciao Bella » n’est pas un roman feel-good. C’est un peu plus que cela. C’est un roman à vertu thérapeutique. Pour elle comme pour nous. Parce qu’Anna, c’est nous. Avec nos faiblesses, nos peurs de mère souvent risibles, nos doutes, nos rêves, nos coups de coeur et nos forces. Quand Anna commence sa thérapie dès les premières pages, elle se livre complètement. On sourit parfois. Souvent. On s’émeut. On réalise combien notre Nonna nous manque cruellement. Combien son sourire illuminait nos vies. Combien ses gnocchis et sa polenta manquent à nos repas dominicaux et combien on aimerait lui dire tant de choses. Et en cela, j’ai lu ce premier roman avec un plaisir non dissimilé, moi la lectrice de romans noirs. Oui j’ai aimé les retours dans le passé, d’Anna, son humour et ses rêves qui s’accomplissent et en refermant ce livre, j’ai eu envie de la serrer dans mes bras, comme ça, pour la remercier de cette bouffée d’air frais, et ses mots qui m’ont tant rappelé. Et dire à Serena Giuliano que j’ai aimé son écriture entre humour et profondeur, avec cette touche d’humanité et de sincérité. Et que c’était juste parfait pour un début d’été souvent peuplé de lectures noires. Merci.
L’été de Katya – Trevanian
Je connaissais de nom cet auteur. Je savais que c’était un pseudo mais je n’avais jamais lu un livre de lui. Avec ce roman c’est chose faite. Et je suis conquise! La couverture un rien romanesque m’a tout d’abord attirée. Et puis la quatrième de couverture a achevé de me convaincre.
Nous voilà donc dans le Pays Basque, à l’aube de la grande guerre. Jean Marc Montjean a trouvé une place de médecin chez un collègue un rien désabusé, à l’humour noir, qui semble douter des compétences de ce jeune arrivé. Dans ce petit village, peu de choses perturbent le quotidien tranquille des habitants, qui semble d’ailleurs convenir à Montjean. Et puis un jour, Katya. Katya qui vient solliciter son aide car son frère s’est blessé. En quelques instants, il est sous le charme:
« Loin de toute raison, loin de toute logique, et sans le savoir, je l’aimais. »
Commence alors pour eux une relation étrange, ambigue. Il est reçu dans la maison familiale, faisant connaissance, forcément avec le frère blessé, personnage protecteur avec sa jumelle et puis avec le père, un homme solaire qui voue sa vie à ses recherches sur les épidémies de peste au Moyen Âge, entretenant avec ses enfants une relation distante mais bienveillante. Auprès de Katya, il trouvera la force de supporter les sarcasmes d’un frère aussi désagréable que déconcertant, et la douce folie de ce père étrange.
Mais cette famille a des secrets, des blessures que l’on devine sans pour autant imaginer les dégâts que celles ci ont causé. L’ambiance devient pesante au fil des pages, les ombres semblent sortir des buissons de ce jardin étrange, les yeux s’assombrissent… Jusqu’au dénouement final. Surprenant. Et brillant. Tant au niveau de l’écriture que de l’intrigue. A lire absolument.
La fileuse d’argent – Naomi Novik
Je découvre avec un plaisir non dissimulé cet univers riche qu’est la fantasy. Dans ce roman de Naomi Novik, les femmes sont essentielles. Les trois héroïnes nous laisseront une marque impérissable. La première, Miryem, tente de sauver sa famille de la famine et de la misère en reprenant l’activité de prêteur de son père. La seconde, Wanda, fille d’un homme violent et d’une mère décedée en couches, va essayer par tous les moyens d’échapper à un mariage forcé en prenant son destin à bras le corps. La troisième, Irina, fille du duc, va devoir se marier avec un personnage aussi cruel que maléfique. Alors que l’hiver est de plus en plus rigoureux et que le seigneur Staryk a décidé de geler la terre des hommes par avidité, elles vont toutes trois essayer de jouer les desseins de tous ceux qui veulent asservir leur peuple.
Naomi Novik aborde ici des thèmes comme le racisme, les violences faites aux femmes, la misère, la résilience, la solidarité entre femmes, ce qui donne à l’ensemble de ce roman une richesse notable. Cet univers et sa description sont parfaits. On plonge dans ce livre comme on plongeant dans des contes quand nous étions enfants, tremblant quand les « méchants » arrivaient, souriant quand les « gentils » sauvaient leurs villages, et surpris de voir comme le temps passait vite quand nous lisions des heures durant. A découvrir absolument.
L’hôtel de verre – Emily St. John Mandel
Emily St. John Mandel m’avait bluffée avec l’excellent « Station Eleven ». Ici, elle récidive dans un tout autre registre. Pas de monde post apocalyptique mais un monde dans lequel l’argent et la reconnaissance nombriliste sont rois. Les Enfers, quoi…
Vincent est une jeune femme superbe, intelligente, éloignée de sa famille qui est serveuse dans un hôtel de luxe. Elle entretient une relation très distante avec son frère qu’elle fait malgré tout embaucher dans ce lieu réservé à l’élite financière. Le propriétaire de cet hôtel est un homme d’affaires aux activités troubles, Jonathan Alkaitis. D’où tient il sa richesse? Nul n’est capable de le dire. Un soir, avant son arrivée, une inscription apparaît sur les baies vitrées: « Et si vous avaliez du verre brisé? » Personne ne comprend ce que cela signifie. Alkaitis ne semble pas y prêter attention. Mais, à partir de cette soirée, la vie des uns et des autres va être chamboulée. Vincent va découvrir que ce milliardaire n’est pas aussi lisse qu’elle le pensait. Au fil du roman, elle plonge dans le monde de la finance et apprend que dans ce domaine, rien n’est jamais acquis…
J’avoue que si le sujet « financier » ne m’attirait pas outre mesure, j’ai fait confiance au talent d’Emily St. John Mandel et accessoirement à Barack Obama qui fait figurer sur sa liste de 17 livres préférés, « L’ hôtel de verre ». Donc j’ai plongé. Et je l’ai dévoré. A découvrir absolument.
L’île des âmes – Piergiorgio Pulixi
Attention chef d’oeuvre! Vraiment! Ce roman est le premier traduit en France de Piergorgio Pulixi. Et j’espère que les autres suivront.
A la suite de plusieurs incidents dans le cadre de son travail d’inspectrice, Eva Croce est mutée en Sardaigne. Elle accepte ce changement de poste, espérant démarrer une autre vie, reprendre à zéro. Accueillie par la cinglante Mara Raïs, elle va apprendre que la Sardaigne n’est pas qu’une région de l’Italie. La Sardaigne est un monde à elle toute seule. Presque un personnage à part entière. Elle est aussi violente que douce, aussi ténébreuse que lumineuse, aussi effrayante qu’attachante. Dans cette Sardaigne où survivent des traditions d’un autre âge, elles se lancent dans une enquête qui ne leur laissera aucun répit. Depuis des années, des cadavres mutilées de jeunes femmes sont retrouvés, laissant penser à des rites ancestraux. Alors qu’elles se lancent à la recherche d’une jeune femme disparue, elles vont apprendre que ces enquêtes n’ont jamais abouti. Des Cold Case. Elles seront aidés par des collègues à la fois investis mais effrayés par ces découvertes. Mais rien ne sera simple. Car elles sont des femmes. Et n’ont pas la même façon d’appréhender les choses. Dans les montagnes de Barbagio, les Ladu. Une famille qui vit en retrait de toute vie sociale. Et si, eux, pouvaient apporter des réponses à cette enquête?
Franchement? C’est passionnant. Magnifiquement bien écrit. Addictif au possible. La Sardaigne devient encore plus attirante. Malgré tout. C’est dire… A lire ABSOLUMENT.
Eden – Monica Sabolo
Monica Sabolo est une auteure française dont je n’avais jamais entendu parler. Ignare que je suis. J’ai donc découvert ce roman sans aucun a priori. Et ce fut bon!
Dans une région un rien isolée du monde, aux abords d’une forêt grignotée petit à petit par des exploitants forestiers, grandit Nita. Nita rêve d’ailleurs, de partir découvrir le monde et espère un jour fuir cet endroit dans lequel elle a grandi mais qui est trop limité pour ses rêves. Entre les escapades en forêt, son amitié avec la fantasque Kishi, son attirance pour un mauvais garçon, les jours passent et se ressemblent. Quand Lucy s’installe avec son père dans l’ancienne caserne de pompiers, Nita est attirée par cette jolie blonde énigmatique qui ne dit pas un mot, s’isole des autres jeunes du lycée, et qui semble ne pas prêter attention au monde qui l’entoure. Elle essaie de l’aborder, d’entamer une amitié avec elle. En vain. Sa douceur et son indifférence au monde attirent des garçons qui la draguent avec insistance. Et puis un jour, elle est retrouvée nue, dans la forêt, visiblement blessée et abusée sexuellement. Dès lors, la tranquilité relative de cette petite ville va exploser. Qui a fait ça? Si certains se murent dans le silance, Nita et d’autres filles, serveuses dans le bar louche du coin, vont par tous les moyens essayer de retrouver le coupable et lui faire payer cet acte innommable.
Un roman surprenant qui m’a fait penser à ceux de Louise Erdrich, pour ce réalisme magique qui sait si bien nous transporter dans une intrigue dont on ne décroche pas.
Cookies pour jours de pluie – Laurie Colwin
Voici un livre délicieux. Dans tous les sens du terme. L’auteure Laurie Colwin est passionnée de bonne cuisine. Elle raconte ici, dans de petits chapitres, ses idées, sa conception de la cuisine, ses souvenirs de dégustations de plats à travers le monde lors de voyages, ses plats emblématiques, les contraintes de l’organisation de repas, ses conseils pour faire manger des légumes aux enfants, etc… Elle distille par ci par là quelques recettes qui nous donnent envie de les essayer. Elle saupoudre ses écrits d’une belle dose d’humour qui fait sourire, et qui laisse entrevoir son amour des bonnes choses. Si elle semble effectivement maîtriser la cuisine, elle avoue régulièrement ses échecs, nous encourageant ainsi à ne pas se laisser abattre par les nôtres.
C’est un petit livre qui se lit vite et bien, bienveillant au possible, accessible à tous, fins gourmets ou pas. Un véritable moment de plaisir. Une envie de se mettre derrière les fourneaux et de retrouver le bon goût des choses simples. A déguster sans modération.
Les prisonniers de la liberté – Luca Di Fulvio
Luca Di Fulvio est un conteur. A partir du moment où vous rentrez dans l’un de ses livres vous n’en sortez plus. Ceux qui l’ont déjà lu comprennent ce que je veux dire. Chaque roman est riche d’Histoire. Dans « Le gang des rêves », l’immigration italienne vers New York est au centre de l’intrigue. Dans « Les enfants de Venise », il nous entraîne dans le ghetto juif de Venise au XVIème siècle. Puis « Le soleil des rebelles » médiéval nous transporte dans le Royaume de Saxe.
Ici, nous sommes en 1913. Des migrants embarquent vers l’Amérique du Sud, espérant faire fortune à Buenos Aires. Parmi eux, Rosetta, jeune femme indépendante cherchant à fuir un homme tyrannique. Rocco qui espère commencer une nouvelle vie loin de la mafia sicilienne qu’il ne veut plus cautionner. Et Raechel, enfant juive que le pogrom russe n’a pas épargné. Tous trois vont voir leurs destins changer. Mais sur cette Terre Promise, rien n’est simple. La violence, la corruption, la prostitution imposée aux migrantes sans le sou, la misère et les maladies viennent à bout des plus faibles. Mais ces 3 personnages ne sont pas faibles. Ils traverseront des moments terribles mais garderons en eux l’espoir que tout ira mieux dans ce pays dont ils attendaient tant. Et quand leurs chemins se croiseront de nouveau, tout pourra basculer.
Dire que j’ai englouti ce livre est un doux euphémisme. Horrifiée, révoltée par certains passages, j’ai eu envie de faire ce dont je rêvais quand j’étais petite: rentrer dans le roman et les aider, fracasser les proxénètes immondes, ainsi que leurs clients, et courir avec eux dans les ruelles insalubres de Buenos Aires pour les aider à se retrouver. Ne riez pas, c’est vrai. Luca, si tu me lis, tu es vraiment un magicien des mots, un véritable conteur. Et je ne sais pas comment te remercier pour le plaisir que tu me procures à chaque fois. Ti Bacio.
Les jours heureux – Adélaïde de Clermont Tonnerre
Laure et Edouard se sont toujours aimés. Malgré les infidélités, les moments difficiles, les séparations. Lui est réalisateur, elle scénariste, ils travaillent ensemble. Connus dans le monde entier, ils vivent entre voyages, réceptions mondaines, vacances avec leurs amis proches et vie quotidienne envahie par leur travail.
Oscar, leur fils unique, raconte. Sa vie. Leur vie à tous les 3. Parents fantasques mais très aimants, il leur voue un amour inconditionnel. Il les regarde vieillir avec le regard tendre d’un fils qui les connait mieux que personne. Qui sait leurs forces et leurs faiblesses. Et qui sait, mieux que quiconque combien ils s’aiment, malgré les non dits et les aventures de passage. Alors que sa mère lui confie un secret qu’il n’a pas le droit de dire à son père, il va faire tout pour qu’ils se rapprochent et parlent de ce qui la ronge.
Un roman juste éblouissant sur l’amour filial et l’Amour entre deux êtres faits l’un pour l’autre. Superbement écrit, doux, sensible, juste, Adélaïde de Clermont Tonnerre tisse ici un roman d’une beauté simple et belle. A lire absolument.
Mousson froide – Dominique Sylvain
Un polar comme j’en raffole. Riche, étourdissant, qui nous entraîne dans une intrigue passionnante nous mettant hors d’haleine.
Chang-wook a fui la Corée quand il était enfant, avec sa mère. Ils sont partis pour se mettre à l’abri d’un père violent, revanchard, mis en prison pour de longues années mais qui risque de vouloir se venger à sa sortie. Sortie qui semble loin au regard de l’immonde crime commis, mais que tous deux appréhendent plus que tout.
Montréal, 25 ans plus tard, Chang-wook est devenu Mark. Policier solitaire qui vit proche de sa mère et qui n’a pour amie qu’une de ses collègues maître-chien, il se donne corps et âme à son métier de flic. Mark essaie de survivre dans cette vie qui l’a traumatisée, qui lui a tout pris: son enfance, son insouciance, sa foi en la vie et en lui-même. Il noie ses démons dans l’alcool, s’enivrant pour ne plus penser. Alors qu’il commence une enquête sur un réseau pédapornographique, à l’autre bout du monde, le monstre est relâché et bien décidé à se venger des deux personnes qu’il estime responsables de sa situation. Une folle quête de vengeance s’engage alors… Dominique Sylvain nous entraîne dans une intrigue noire, parfois oppressante dans laquelle les personnages sont aussi complexes qu’attachants, aussi terrifiants que démoniaques. C’est noir, très noir mais qu’est-ce que c’est bon!