J’ai découvert Jacques expert en lisant « La femme du monstre ». J’ai aimé sa plume et son schéma narratif, ses sauts dans le temps, sa façon de nous conduire d’un bout à l’autre de l’histoire. Je vous en avais parlé ici.
En plongeant dans Hortense, j’ai retrouvé cette particularité qui nous fait sauter d’une narration à une autre, des visions intéressantes des différents protagonistes à propos de cette histoire troublante et assez lugubre. Tirée d’un fait divers réel.
En 1992, Sophie vit seule avec sa fille, Hortense, presque 3 ans, qu’elle aime plus que tout. Elle l’élève seule, son père étant parti à l’annonce de sa grossesse et l’idée qu’il ne souhaitait pas avoir d’enfant. Elle pensait l’aimer. Il pensait la manipuler encore longtemps, violent et pervers avec elle.
Oui mais voilà, un soir, lorsque quelqu’un sonne à la porte, elle ne se méfie pas, ouvre et se retrouve assommée, en sang sur le sol… Et Hortense disparaît dans les bras de son agresseur.
Soulevant une vague d’émotions à travers la France, médias, soutiens des citoyens de tous horizons, de sa famille, police et machine judiciaire, Sophie espère retrouver sa fille. Sauf que… Rien. Aucune trace de son enfant adorée. Persuadée que c’est le père qui l’a enlevée et malgré une véritable chasse à l’homme à travers l’Europe, les mois puis les années passent sans aucune nouvelle ni aucun espoir. L’engouement général s’étiole et seule l’ancienne nourrice d’Hortense à la crèche, reste son amie…
Sophie se retrouve seule avec son désespoir.
22 ans plus tard, le hasard lui fait croiser une belle jeune fille blonde aux grands yeux clairs dans la rue. Persuadée que c’est sa fille, Sophie la suit, découvre où elle travaille et va tout faire pour devenir une proche. Elle va dîner ou déjeuner chaque jour dans le restaurant qui l’emploie, s’attachant à l’attendrir et à lui plaire. Mais sans jamais rien lui dévoiler de ses certitudes. Les renforçant même lorsque celle ci lui évoque une vie de bohème autour du monde avec son père, seuls tous les deux, avec quelques amies de passage.
Et nous, témoins silencieux de cette histoire, assistons à une enquête qui semble piétiner dès le départ, à sa vie sans aucune joie ni lumière puis enfin à cette danse étrange entre les deux femmes. L’une persuadée qu’elle a retrouvé sa fille, l’autre, intriguée et s’interrogeant sur les réelles motivations de cette amitié surprenante, et sur son bien fondé.
Jacques Expert nous emmène dans une histoire qui fait froid dans le dos. Entre résignation, folie, manque affectif et empathie, il nous fait découvrir petit à petit la vraie vie de ces deux femmes. Dévoilant au fil des pages des indices, des faits qui nous rendent perplexes ou méfiants, des témoignages troublants relevés au fur et à mesure de cette enquête. Et il nous fait nous interroger, l’air de rien sur nous. Sur notre instinct de mère ou de père. Sur ce que nous aurions fait à la place de Sophie, durant toutes ces années de désespoir. Comment peut on sortir indemne d’une telle horreur? Peut-on garder espoir quand tout s’y oppose? Saurait-on rester objectif? Je l’ignore. Personne n’est prêt à vivre une telle abjection!
Et quand les dernières phrases tombent, tel un couperet, elles nous laissent sans voix. Horrifiés et choqués.
Du grand art! La sélection « polar » du Prix des Lecteurs du Livre de Poche pour cette année est amplement méritée!
A lire absolument!