Il y a des jours comme ça…
Où vous vous interrogez sur le sens de votre métier… Vous vous demandez si vous n’auriez pas dû accepter cette place en DUT « Métiers du Livre » au lieu de vous lancer dans cette aventure qu’est, au quotidien, « le plus beau métier du monde »…
Oh oui qu’il est beau, mais qu’est-ce qu’il est prenant, usant, parfois.
Éprouvant aussi.
Souvent merveilleusement gratifiant.
Souvent désespérément décourageant.
Parce qu’au delà des débats politico-chronologico-pédago-scientifiques, vous, vous avez des soucis qui dépassent toutes les réflexions de ces biens pensants. Le plus important?
Le côté humain de notre métier. Ce côté humain qui, justement, est laissé pour compte dans toutes ces réformes. Peu leur importe cela. Vous avez signé, non? Alors, ne vous plaignez pas.
Et quand vous entendez votre ministre dire qu’il nous faut penser aux enfants d’abord, vous n’avez qu’une envie: aller la chercher dans son beau bureau ministériel, la prendre par le bras et la planter devant vos élèves. Et l’y laisser mariner quelques jours. Qu’elle comprenne bien que notre principale préoccupation, ce sont eux, ces chères têtes blondes, brunes, noires… Et quand elle aura fait cours à deux niveaux dans la même classe, s’occupant des problèmes de chacun, conseillé les 2 AVS présentes au quotidien qui sont avec les élèves en grande difficulté, essayé de boucler un programme bien trop chargé, réglé les petits soucis administratifs imposés par une hiérarchie limite débilisante et inepte, être pris à partie par des parents irrespectueux, et j’en passe…. Vous la renverrez dans son beau ministériel très calme et bien rangé à coups de pieds au derrière, en lui demandant en quoi nos élèves ne sont pas au centre de nos préoccupations…. (et encore, certaines situations sont nettement pires que la mienne, j’en suis consciente!!!)
Non mais c’est vrai quoi…. Au lieu de réfléchir à « Comment ne pas trop se mettre à dos les professions du tourisme et certaines associations de parents d’élèves influentes », il faudrait se poser de vraies questions. De celles qui feraient avancer notre métier.
Parce que parfois, au regard de tout ce que vous pouvez entendre, vous avez envie d’hurler… Sous prétexte que nous avons la sécurité de l’emploi, 16 semaines de congés annuels, il faudrait se taire, ne pas se plaindre et se laisser bouffer par le système? Les parents?
Combien d’entre vous serez capables de rester calmes et zen face à des parents insultants, méprisants, mauvais? Combien d’entre vous accepterait qu’un parent parte en hurlant et en claquant la porte de votre classe, vous laissant muette et perplexe? Alors que dans la minute qui suit, vous devez faire bonne figure devant vos élèves? Et je ne parle pas des collègues du secondaire qui endurent souvent bien pire que ça…. Vous souriez en imaginant certains de vos amis, ou vous-mêmes, exploser, hurlant plus fort qu’eux en leur disant d’aller se faire foutre (pour être polie…)! Ai-je tort? Non. Je ne le pense pas. Et à la remarque concernant les avantages de votre métier, vous leur direz, comme moi, que le concours pour devenir enseignant est public et ouvert à tous. Alors, ne vous gênez pas, passez le….
Et certains soirs, vous avez envie de tout balancer, de tout arrêter. Au diable vos congés payés et votre sécurité de l’emploi! Adieu programmes surchargés, inadaptés, formulaires à remplir en 15 exemplaires qui seront perdus de toute façon dans des bureaux poussiéreux, parents ingrats, réunions inutiles…
Alors, oui… Parfois vous vous imaginez bibliothécaire ou libraire. Entourée par des centaines de livres. Sans travail à faire le soir en rentrant. (Parce que cela, aussi, hein, l’enseignant qui ne bosse que 20h, c’est une belle connerie….) Sans autre souci que de ranger des bouquins, parfois les lire en cachette. Échangeant avec des clients passionnés et avides de culture, de lecture, de rencontres…
Et puis vous soupirez.
Parce que vous savez que demain, au réveil, tout cela sera du passé.
Que vous irez à l’école en souriant. Comme bon nombre de matins.
Parce que vos élèves vous y attendent avec le sourire. Et que vous vous « accrochez » pour eux.
Parce que vous avez tant de choses à faire, à découvrir avec eux.
Parce que, demain, vous avez un intervenant en éducation musicale qui leur montre qu’on peut faire de la « musique » avec tout et n’importe quoi. Et qu’ils adorent cela. Et vous aussi.
Parce que, demain, vous avez la dernière séance de gym avec une prof, dans un gymnase spécialisé et que vos élèves attendent toujours ce moment avec une grande impatience.
Parce que demain, il y aura des parents souriants devant l’école, qui savent vous remercier pour ce que vous faites.
Parce qu’au delà de tous ces problèmes, vous êtes là, debout, face à des gamins qui vous regardent comme si vous étiez une déesse, une fée, une princesse, une magicienne, un clown, un metteur en scène… Parce que vous êtes LEUR maîtresse….
Et parce que malgré tout, vous l’aimez votre métier. Il est difficile, mais putain, qu’est-ce qu’il peut être beau parfois!!!