Sophie et Joachim forment un couple soudé. Elle voue sa vie à son travail, empruntant le train chaque jour pour se rendre à Paris. Lui est un militant Greenpeace, engagé et fervent défenseur des causes qui lui tiennent à coeur. Deux êtres aux parcours professionnels opposés mais qui ont une histoire forte. Et qui semblent accepter les différences de l’autre.
Et puis il y a Maël. Leur fils de 12 ans. Un gamin sage et réservé. Qui aime ses parents mais qui ne semble pas s’aimer, lui. Un garçon qui semble taire ce qu’il a au fond de. Si Joachim s’en soucie, Sophie, elle, pense que c’est le passage vers l’adolescence qui perturbe leur fils. Cela lui passera. Sauf que.
Sauf que Maël, s’il n’ose pas parler à ses parents, exprime clairement ce qui le ronge à une psychologue. Il veut devenir fille. Il se sent fille. Il veut porter des jupes, mettre des pinces dans des cheveux qu’il veut longs, et devenir enfin lui même.
Joachim accepte. Sophie, non. Elle refuse catégoriquement une telle idée qu’elle considère comme absurde, loufoque. Son fils est un garçon. Point. Cela lui passera. Encore.
Mais Maël a pris sa décision. Malgré le seul soutien de son père, il va franchir lentement les étapes vers sa transition. Même si ses parents se disputent, même si le regard des autres peut changer, il sera une fille.
Toute l’intelligence de ce roman réside dans le fait de montrer le déni, le disséquer, l’analyser, le regretter, et d’attribuer ce refus catégorique à la mère. Une mère que l’on ne comprend pas forcément. Ou bien si. Parce que c’est compliqué d’accepter que son enfant décide de ne plus être parfaitement celui que l’on a mis au monde, qu’il prenne un autre chemin que celui qu’on lui a tracé dans notre imagination. C’est dur de se demander ce qu’on a pu râter, ce qu’on a mal fait. Et pourquoi il veut changer. Par provocation? Par caprice? Par mode? Sophie est la mère qu’on ne voudrait pas être finalement. Parce qu’elle refuse d’accepter, ignorant avec mépris le choix de son fils. Allant jusqu’à disloquer sa famille. Et étrangement cela ne la rend que plus touchante. Parce qu’elle représente nos faiblesses humaines. Notre incapacité à parfois se remettre en question et en regardant notre enfant comme s’il était toujours notre tout petit. Ce qui est intéressant dans ce roman est de voir que chacun des deux parents pense protéger son enfant. De façon diamétralement opposée mais avec la certitude qu’ils font le mieux possible pour ce petit Maël, qui reste décidé à se lancer dans cette transition et qui sait, au fil des chapitres, nous émouvoir au plus haut point.
Comment, nous, nous réagirions? Accepterions nous cette demande de changement de genre sans ciller? Quelles questions seraient les nôtres? Aurions nous assez d’amour et de générosité pour ne pas douter de lui ou elle? Et le regard des autres? Saurions nous envisager de remettre toute une éducation et des principes et valeurs inculquées et ancrées dans notre société depuis des millénaires? Saurions nous affronter la vague de critiques et de moqueries?
Une nouvelle fois, Amélie Antoine nous surprend, à plus d’un titre. En nous offrant « Le bonheur l’emportera », elle nous demande implicitement de réfléchir au poids des habitudes et des choses établies. Et ce qui est assez bluffant est quand on en parle autour de nous. Au fil de cette lecture, j’ai raconté l’histoire dans les grandes lignes à des proches, des collègues. Effectivement, beaucoup de choses doivent encore changer, évoluer. Si certaines choses pour nous sont une évidence, pour d’autres, non. Les mentalités évoluent mais à grand-peine. Et c’est un combat quotidien que de faire accepter cette question du libre choix que chacun peut et doit oser revendiquer, peu importe le regard des uns et des autres.
Des petits Maêl ou des vpetites Loïs auront encore du chemin à parcourir, devront encore se battre pour se faire accepter dans notre société. Mais je ne doute pas qu’ils puissent y arriver. Parce qu’au final, oui, comme l’écrit si bien Amélie, le bonheur l’emportera.
A lire absolument! Chez XO Editions.