La Malle aux Livres

Le Roi disait que j’étais diable – Clara Dupont-Monod

Après une autobiographie bouleversante, un road-movie initiatique et une enquête révoltée et révoltante au sein d’une réserve indienne, la sélection du Livre de Poche m’offre ici, à chroniquer, un roman de de Clara Dupont-Monod, Le roi disait que j’étais diable. 

Le roi disait que j'étais diableEt oui, le roi disait qu’elle était diable, selon la formule de l’Evêque de Tournai, cette Aliénor d’Aquitaine au caractère bien trempé, cette femme impétueuse et très moderne. Cette femme politique qui bouillait de ne pas être assez écoutée par son roi. Et qui s’est affirmée dès son arrivée à la cour comme une farouche opposante à la main mise de la Papauté sur le Royaume, passant même pour une sorcière, ce qui la laissait de marbre, et qui surtout,  trouvait son mari terne, faible et lâche.

Clara Dupont-Monod romance ici les premières années de la jeune Reine. Une histoire contée à deux voix: celle d’Aliénor et celle de Louis VII. Conquêtes, trahisons, manipulations politiques,  croisades, batailles… La violence de cette époque ne nous est pas épargnée.

Les déclarations d’amour enflammées, l’admiration sans borne du Roi pour la Reine, se fracassent violemment contre l’indifférence et le mépris de celle ci.

 » J’ai murmuré ton prénom que je trouve majestueux. J’en ai étudié l’origine – le périple était long et puis il s’agit de ma future épouse. Mais rien ne me préparait à toi. Un parfum de menthe a fondu sur mon visage. Désormais, cette odeur est liée à toi. Où que j’aille, j’emporte toujours un brin de menthe qui me rappelle notre rencontre. (…) Et puis tu t’es retournée. Sous le choc je suis resté bouche bée. Intuitivement, l’abbé Suger s’est rapproché de moi. Mais je n’avais nul besoin de rempart à cet instant-là. C’était fini. Une main glacée a saisi mon coeur. Je t’ai aimée aussitôt et dans le même instant, tu m’as effrayé. C’était un mélange de perte et d’offrande. Un seul visage pouvait provoquer le ciel, attirer ses extrêmes. Mes guerres perdues, c’était toi Et jamais je n’aurais pensé qu’une défaite pouvait être aussi belle. (…) J’ai su à cet instant de quoi parle la Bible. D’un amour absolu, profond et dévastateur, contre lequel l’homme ne peut rien. Il est vaincu. (…) »

« Le roi est mon mari. Ce n’est pas un homme de colère mais de mots. Il s’entretient à voix basse avec son abbé. Il récite souvent des textes sacrés, tout seul, en marchant. Il ne décide rien sans l’avis de ses vassaux. Louis rêve d’une vie monacale, de paroles et de respect. Tout ce que je fuis depuis mon enfance. Tout ce que je hais. (…) Mon prénom est un monde et personne n’y laisse son empreinte. Ni Dieu ni roi. (…) J’oublie trop souvent que mon mari est pieux, donc hypocrite. (…) Prendre un bain dans ma chambre est un privilège rapporté d’Aquitaine. J’ai promis à Louis qu’il pourrait me regarder. Il sera si ému qu’il se tiendra tranquille les nuits suivantes. (…) « 

Une histoire d’amour aussi dure et sans concessions que l’était ce Moyen-Âge, contée avec la plume magnifique et cinglante parfois, de Clara Dupont-Monod. Une histoire d’un amour impossible qui ne laissera réellement qu’une empreinte à travers les âges: celle d’une femme indépendante, en avance sur son temps. Et fascinante. Terriblement fascinante.

Lila sur sa Terrasse

Je suis moi.

Vous pourriez également aimer...

1 commentaire

  1. […] Dupont-Monod nous offre ici un portrait d’une femme exceptionnelle. Contée à 2 voix, celle de Juette et celle de Hugues, son ami et confident, cette histoire nous […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.