« Les Dieux sont vaches », par Gwendoline Hamon…
Un titre qui nous fait hésiter… « Humour ou pas? »
« Quand Zélie apprend que sa mère est gravement malade, son monde s’écroule. Elle ne veut garder que le meilleur pour les deux derniers mois qu’il lui reste à vivre. Caroline est une mère singulière qui croit aux énergies, aux forces divines et souterraines, aux médiums étranges. Elle suspend un pendule au-dessus de la tête de ses futurs gendres et imagine des prénoms d’Indiens pour ses petits-enfants. Elle s’est mariée très jeune, a eu deux filles, des amants, des rêves qui n’appartiennent qu’à elle. Elle est merveilleuse et quelquefois cruelle. Voici, au soir de son existence, le destin de cette femme fantasque et attachante, déroulé par sa fille, qui va tenter avec un humour vibrant de lui faire oublier que, parfois, les dieux sont vaches. »
Oui c’est vrai… Les Dieux sont vaches… Ils nous jouent des tours terribles, ils ne nous épargnent rien, ils trichent en nous enlevant trop tôt ceux que l’on aime, comme ça, sans prévenir, sans mise en garde, sans avertissement…
Quelques mots. Quelques jours. Quelques semaines. Et Caroline s’est éteinte. Dans un souffle que personne n’a entendu: espiègle jusque dans la mort, elle a attendu que ses filles, ses proches, ses amis de toujours, sortent de sa chambre devenu le point de rendez-vous de tous ceux qui l’ont aimée et qui voulaient être là pour lui tenir la main, accomplir ce dernier bout de chemin avec elle en essayant de ne pas parler de choses tristes, en souriant, en riant de la fantaisie de ce petit bout de femme qui ne se laisse pas abattre… La solitude de Zélie et de sa soeur, Julia, est ainsi rompue par ces amis qui traversent pays et océans pour les soutenir. Dans un florilège d’émotions, nous parvenons à sourire à l’évocation de leurs souvenirs rocambolesques, à être tristes quand nous réalisons que Caroline a vécu dans une peur de tout, surtout la peur d’aimer…
« Ce soir-là, Mahaut a rameuté toute notre bande, et organisé une soirée chez elle. Nous pensions Julia et moi arriver pour vidanger notre chagrin dans les bras de notre amie alors que quarante personnes nous attendaient, les bras ouverts et les larmes aux yeux. Les meilleurs, les plus proches, la tribu. J’ai poussé un cri, mélange de surprise, de joie intense et de peine incommensurable. Je suis tombée par terre, pleurant comme une gamine qui ne se maîtrise pas. Aucune pudeur, aucune dignité. Seulement un chagrin sans mesure. Puis cet instant passé, nous avons bu et mangé comme lors d’un anniversaire. La vie, la vie, la vie… Nous devions rester en vie. »
Mais au delà de ces sourires, parfois tristes, c’est le magnifique cri d’amour d’une fille pour sa mère, au delà des conflits, des incompréhensions, des différences, qui m’a émue…
Au fil des pages, Zélie nous prend par la main et nous fait découvrir cette mère originale, illuminée, fantasque… Cette mère terriblement attachante, qui parle aux êtres disparus et qui lui répondent, qui utilise des pendules pour tout et n’importe quoi, qui se laisse entourer par des médiums escrocs et abusant de sa naïveté, croyant au pouvoir bénéfique de leurs grigris… Mais elle nous montre aussi et surtout une femme blessée par la vie, une femme incapable de montrer ses sentiments, ou alors de façon surprenante…
« Ma mère a toujours aimé appuyé sur les boutons purulents. Il fallait que notre relation souffre pour mériter d’exister. »
« Je porte sur mon dos un sac de ciment, comme tout un chacun. Je l’ai teint en rose et l’ai parfumé à la figue pour que ce soit plus chouette, mais il pèse tout de même bien lourd cet enfoiré. (…) Je me raconte cette histoire sinon je suis au bout de ma vie et je m’auto-extermine sur le champ, parce qu’on m’annonce que ma maman se meurt. »
« Pourtant, je sais que Caroline m’aimait tendrement, mais elle n’avait pas appris les mots pour me le dire. »
« Je n’avais pas fait mon deuil. J’avais en quelque sorte omis, mal évalué le poids de son absence. Je n’avais besoin que d’une chose, qu’elle me prenne dans ses bras. »
Tout comme Delphine de Vigan et Justine Lévy, Gwendoline Hamon nous offre ici, avec une plume délicate, douce et belle, mais aussi dure et sans concessions, un livre sur l’amour maternel qui est fabuleusement émouvant. Sans jamais sombrer dans le pathétique. Qui nous montre l’importance des mots que l’on n’ose pas dire parfois mais qui sont essentiels. Même s’ils sont maladroits, hésitants, timides, murmurés…
En quittant momentanément son costume de comédienne, d’actrice, de metteur en scène, elle prouve par ce premier roman qu’elle est une belle auteur en devenir. Belle parce que sincère, entière et vraie.
Une ôde à la vie, à l’amour, à l’amitié. Et une magnifique déclaration d’amour qui est pour elle « une petite délivrance qui fera son chemin », à lire absolument!!!!!
[…] Pour ceux à qui cette chronique publiée en partenariat avec Le Livre de Poche, avait échappée, elle est à lire ICI… […]
[…] une autobiographie bouleversante, un road-movie initiatique et une enquête révoltée et révoltante au sein d’une réserve […]