Purée mais quelle idée d’avoir voulu, espéré, m’être réjouie d’être jury du Prix des Lecteurs 2016! Non mais sérieux quoi!
Vous avez vu les pavés qu’ils nous envoient??? 763 pages le dernier lu en date!!!!
C’est évident qu’ils ne pensent pas au risque de tendinite au niveau des poignets, à tenir un livre pareil pendant des heures! Et la place dans mon sac à main, ils y pensent à la place dans mon sac à main? Une fois ce livre dedans, je ne peux plus rien presque plus rien mettre d’autre!!!! Franchement, ils abusent au LDP!!!! Et je passe les cris d’exclamation des potes « Ouawww!!!! Tu vas lire la Bible ou quoi? » « Tu lis tout ou tu sautes des pages? » C’est vach’ment encourageant.
Bref… J’ai donc lu « Le Bonheur national brut » de François Roux.
10 mai 1981, 4 jeunes adultes, préparant leur bac, assistent en direct à l’élection de Mitterrand.
A partir de cet instant précis, nous rentrons dans leurs vies.
Des vies comme nous en avions tous à cet âge: la joie de partir vers nos études dans la « grande » ville, les rêves et utopies, les projets, l’envie de croquer la vie à pleines dents…
Paul est le narrateur de cette histoire. Il nous fait connaître Tanguy, Rodolphe et Benoît.
Paul rêve d’être comédien alors que son père le rêve médecin. Tanguy, hommes d’affaires. Rodolphe, homme politique. Benoît… Ben il ne sait pas trop Benoît, en fait… Chacun va emprunter un chemin propre, en gardant toujours un oeil sur ses amis. Pendant les premières années. La première partie s’arrêtant fin 1983.
» Rodolphe ne disait pas un mot et m’observait d’un oeil ahuri d’un naturaliste qui découvre une espèce animale inconnue. Benoît et Tanguy se taisaient eux aussi, mais il y avait dans leurs regards l’assurance que rien de ce que je pourrais dire ne serait jamais retenu contre moi. Même si un excès de timidité me fit omettre les détails les plus crus, jamais de ma vie je n’avais autant désiré être sincère. Tout en parlant, je réalisai combien les mots, s’ils ne sont pas flétris par l’orgueil, le mensonge ou la honte, peuvent devenir apaisants et merveilleusement libérateurs. »
Nous voici en juillet 2009. 26 ans plus tard.
Que reste-t-il de leur amitié? Comment ont ils grandi? Leurs idéaux? Leurs rêves? Leurs projets?
Je ne peux pas vous raconter.
Parce que vous DEVEZ lire ce livre.
Parce que ses 763 pages ne suffisent pas! On aimerait que François Roux continue à nous raconter leurs vies sociales, sentimentales, professionnelles… telles des chroniques de la société française de cette époque. A nous renvoyer cette impression que ces 4 amis pourraient être les nôtres. Ou nous. Parce que comme eux, nous avons changé en vieillissant. Nous nous sommes éloignés de nos aspirations de jeunesse. Nous avons perdu certains rêves en route, mais nous en avons trouvé d’autres. Nous nous sommes plus ou moins éloignés de nos amis mais ils sont souvent là malgré tout… Et parce qu’on s’y attache à ces mecs. Pour leurs qualités et malgré leurs défauts. Comme nous en avons tous. L’ écriture de François Roux est juste belle. Elle glisse, spontanée, avec une aisance qui fascine. Il sait retranscrire, les doutes , les émotions, les utopies et leurs ineffables désillusions, nous laissant sous le charme de ces histoires de vies. D’amour. Mais surtout d’amitié. Un pur moment de bonheur. A l’état brut.
« A cet instant, comme aux plus beaux jours de notre adolescence, nous avions le sentiment d’être purs. Nous ne savions plus rien, ni de l’injustice de la mort, ni de la vacuité du pouvoir, ni de la puissance de l’argent, ni de l’absurdité du monde. J’aurais voulu que le temps cesse à jamais de s’écouler, qu’il se fige pour l’éternité sur l’intensité de ce moment que, ce jour-là plus que jamais, je savais éphémère. Et si le bonheur d’une vie était constitué, justement de la fragile accumulation de secondes aussi merveilleuses que l’était celle-ci? Nous avions tellement voulu grandir et nous frotter à la vie que nous en avions oublié de préserver la plus belle part de nous-mêmes: notre innocence. Bientôt, Rodolphe serait empêtré dans les rouages du monde politique, Tanguy dans ceux de l’entreprise, Benoît et moi dans ceux de l’art et de la culture. Chacun de nous, pour tenter de survivre- pour tâcher d’être heureux?-, s’efforcerait à sa façon d’enfouir les monstres cachés qui n’avaient cessé de nous poursuivre depuis l’enfance. Pour le moment, nous étions morts de rire, et cela nous suffisait. »
[…] La chronique est ici, pour ceux qui ne l’ont pas lue… […]