Il est parfois bien difficile d’expliquer pourquoi on décide d’écrire.
Parce qu’il n’y a pas de raisons concrètes, souvent.
C’est juste une envie. Un plaisir. Mais aussi un besoin.
En décidant d’écrire sur ce sujet, voilà quelques minutes, je ne savais pas dans quelle direction aller… De quelle façon vous présenter cet article. Parce que ce n’est pas toujours simple de suivre une ligne directrice, de ne pas dévier, de ne pas être hors sujet! Cet affreux hors-sujet qui nous a tous tant terrorisés au lycée. Vous vous rappelez? Cet affreux H.S. que l’on redoutait sur nos copies de français, de philo, d’histoire… Ce H.S. qui souvent sonnait le glas du plaisir d’écrire. Parce que si ces deux lettres majuscules écrites en rouge apparaissaient effectivement, c’est que l’auteur débutant, soumis et contraint a cependant laissé sa plume vagabonder hors des limites imposées par l’enseignant. Et c’est chouette de dépasser les limites (sans vouloir citer Julien Doré…). Surtout dans un système qui annihile ce plaisir d’écrire ou de lire…
Vous avez vu le programme des élèves de lycée? Ou même du collège tiens! Mais pourquoi leur imposer des livres complexes alors qu’ils n’ont pas la maturité nécessaire pour les analyser, en saisir l’essence même. Si tant est qu’il y en ait une. Parce que franchement, les enseignants qui parviennent à donner le goût de lire aux élèves réfractaires à la lecture, et ce en leur faisant disséquer des extraits de ces livres, sont particulièrement performants!
Vous savez qu’en terminale L, on demande aux élèves de lire Madame Bovary de Gustave Flaubert. Oui je sais. Je vous renvoie ainsi à vos pires cauchemars d’adolescents. Il fut le mien aussi, rassurez vous. Jusqu’à la fac. Quand, avec des années de plus, une maturité autres et une ouverture d’esprit différente, j’ai appris à me régaler de cette Emma tant haïe auparavant… Mais le chemin fut long…
Et en regardant les textes officiels de plus près, parce que je ne m’avance pas sans arguments sur un terrain aussi glissant, je suis tombée sur ce passage… Attention… Vous êtes prêts?
Pour l’étude de Madame Bovary de Gustave Flaubert, le professeur privilégiera l’analyse de la genèse qui permet aux élèves de pénétrer dans le laboratoire de l’écrivain et de s’interroger sur le processus de création du roman. Les étapes successives de l’avant-texte (plans, scénarios, esquisses, brouillons et manuscrits) constituent autant d’éléments qui nous donnent accès à l’histoire de la création. Ils rendent manifestes l’obsession et la passion du romancier pour le mot, pour la phrase, son attention aux rythmes et aux harmonies, à la dimension sonore de la langue, inscrivant la quête romanesque dans une aventure poétique, stylistique et esthétique inédite. Flaubert fait du roman un vaste poème narratif, où l’écriture s’astreint à une double exigence de justesse absolue, sur le plan de la diction comme sur celui de la fiction. La transformation d’un fait-divers banal en œuvre d’art éclaire également le travail de l’écrivain en amont du texte. Enfin, la correspondance de Flaubert avec ses contemporains, véritable essai sur l’art romanesque, permet de mieux comprendre la genèse du roman, révélant l’épreuve d’une écriture qui rompt avec le mythe de l’inspiration.
Madame Bovary contribue ainsi à l’invention d’un nouveau rapport au monde. La recherche du « neutre », de « l’impersonnalité », l’égalité de traitement des personnages, des sujets et des points de vue, affranchissent la littérature du devoir de représenter l’ordre constitué. L’écriture flaubertienne porte à sa manière une esthétique de l’âge démocratique, dévoilant un lien inextricable entre poétique et politique.
À cet égard, le professeur pourrait aborder avec les élèves dans une perspective complémentaire la réception très polémique du roman en 1857. Le procès qui s’en suivit notamment montre la complexité des liens entre littérature et société au milieu du XIXème siècle et soulève la question de la moralité à laquelle Flaubert, dans la stratégie de défense qu’il met en œuvre, fait subir un déplacement décisif : répondant à ses adversaires sur leur propre terrain, il substitue par ailleurs aux cadres d’une littérature édifiante corsetée par une morale prescriptive une éthique de l’écriture et de la lecture, fondée sur l’affirmation de l’autonomie de l’art.
Bon… Voilà… Tout est là… Combien d’entre vous ont tout lu sans se dire « La vache! Sont cinglés…? Ils parlent de gamins de 17/18 ans là… En ont-ils conscience? Ont-ils conscience, de même, que la dissection de ce roman risque de vacciner à jamais la majorité des gamins de la littérature? Que ceux ci ne se souviendront que d’une chose: « Putain c’est nul Flaubert! « , « Qu’est-ce qu’on s’est fait chier avec la mère Bovary! »… Vous souriez? C’est le cas de beaucoup d’entre vous n’est-ce pas?
Petite remarque anodine: « (…) l’analyse de la genèse qui permet aux élèves de pénétrer dans le laboratoire de l’écrivain et de s’interroger sur le processus de création du roman. » Et si, (mais ce n’est qu’une hypothèse sans grande prétention), nos bureaucrates essayaient de proposer à nos gamins, des textes d’auteurs vivants, contemporains, afin de pouvoir les interroger, de comprendre la genèse de leur roman, d’échanger avec eux sur le processus de création… Parce qu’il y en a de très bons des auteurs en vie qui mériteraient qu’on s’intéresse à leur travail… Vous ne pensez pas?
Et bien non! Sous prétexte que Flaubert est l’une des références de la littérature française, on l’assène sans relâche, génération après génération… Au risque de voir ces mêmes générations se détourner de la lecture-plaisir.
Parce que oui, la lecture plaisir est primordiale! Je ne cesserai jamais de le clamer haut et fort! On lit pour le plaisir de lire, pour le plaisir d’apprendre, pour le plaisir de découvrir, pour le plaisir de s’enrichir, pour le PLAISIR tout court!
Et savoir que Flaubert est un auteur français est une évidence. Savoir que Madame Bovary est sa référence aussi. Cela fait partie d’une culture générale indispensable. Mais comment vont-ils l’enrichir cette culture générale, nos ados? Certainement pas en se tournant vers d’autres lectures car ils n’en ont pas envie. Ou alors seulement quelques uns. Malheureusement. Et qu’ils auront tous une culture commune, apprise par leur passage en section littéraire, et un sérieux problème pour aller vers d’autres lectures… J’exagère? Vous voulez parier? Regardez autour de vous et comptez le nombre de mômes de cet âge qui lisent pour le plaisir. Et nous en reparlerons. Ils lisent parce que leur prof le leur a demandé. Point.
C’est bien dommage. Et c’est difficile pour nous, parents, de leur faire voir les choses autrement. Qu’on soit lecteur ou pas, c’est très complexe…
ET ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit! Je pense que nos enfants plus ou moins grands sont capables de comprendre certaines choses. Ils sont intelligents. Ils savent être curieux. Je remets juste en cause un système qui massacre le plaisir de lire et cette curiosité inhérente à leurs apprentissages. Je sais que certains profs font un boulot fantastique avec leurs élèves, ou essaient de le faire, à leur échelle. Je fais partie de ceux que la découverte de certains auteurs au lycée a vacciné des auteurs dits « classiques ». Mais je fais aussi partie de ceux qui lisent désormais par plaisir ces mêmes auteurs, parce que j’ai le recul et les compétences nécessaires pour le faire. Mais à 17 ans, je ne supportais pas Le père Goriot, Madame Bovary, Au bonheur des dames, et j’en passe… Le temps m’a appris que La Comédie humaine, les Rougon Macquart… étaient et sont des œuvres magnifiques. Et cela grâce à certains profs de lycée et de fac qui ont su m’inculquer le plaisir de lire d’autres choses, plus ou moins légères… Et je leur en suis infiniment reconnaissante…
Et merde… Je voulais écrire sur le plaisir d’écrire.
Je suis complètement Hors-Sujet là! Non?
Et vu ce que je viens de lire, je ne suis visiblement pas la seule…
Bonjour Lila
Moi j’écris de la poésie depuis 20 ans dans mon coin… pour le plaisir, par besoin ? parce que je suis fais comme ça tout simplement,
j’ai une sensibilité poétique et une culture de l’écrit.
J’ai toujours peiné à partager cette passion avec d’autres, mais là je viens d’intégrer une équipe de slam dans ma ville.
Et du coup cela me plait bien, car on fonctionne sur le principe de l’éducation populaire: petit à petit on invite les auditeurs à venir à leur tour déclamer un texte qu’ils ont par définition écrit (ou pensé) à l’avance. Chacun se rend compte que toute sensibilité peut s’exprimer avec la même légitimité qu’il n’y a pas LES ARTISTES et les autres, on apprend à faire de l’art artisanal ensemble ! Et un peu à vivre ensemble au passage… Les « poètes » qui s’ignorent finissent par se révéler à eux-même par écrire et dire les uns après les autres, quand ils le sentent.. Car on écrit et on lit tous, on a tous appris à lire et écrire à l’école !
Et du coup là on va monter des petits stages ou ateliers d’écritures avec restitution en slam pour les jeunes dans les maisons de quartier.
En fait on part de l’oral pour amener les gens et les jeunes à se dire, bah tiens comment je pourrais faire pour mieux formuler, mieux me faire comprendre mieux m’exprimer de façon plus poétique / artistique ? Bah si je prenais exemple sur les autres qui font du slam là qui ont déjà écrit des textes qui m’ont touché, mais comment ils font eux, ah bah quand je discute avec eux ils ont des références littéraires, Baudelaire, Mc Solaar, etc
Et puis eux ils ont leurs propres références déjà à nous faire connaître aussi après tout !!
Bonne fin de journée
Mathieu
Ah oui Mathieu! Je n’ai pas dit le contraire! Nous avons tous à apprendre des autres…
Je suis admirative de cette poésie qu’est le slam… Vraiment… Parce que si je suis à l’aise à l’écrit, l’oral c’est une catastrophe… Alors voir et entendre ces slameurs qui disent leur prose en rythme, à l’aise… ouawwww….
Quant à l’écriture…. Garder ce plaisir, ce petit truc…. Ces émotions, peut-être? Oui Garder ces émotions…
Merci infiniment pour ce long commentaire…
A bientôt j’espère…
Nath