La Mongolie…
Ses paysages au delà du réel, presque féeriques. Une féerie naturelle qui fascine par sa beauté et ce côté sauvage en dehors du temps. Des steppes à perte de vue. Des forêts englouties sous un tapis de neige presque angoissant. Des yacks sauvages ou domestiques à la fourrure si dense qu’elle laisse deviner la rudesse des hivers mongols. Des troupeaux de chevaux semi-sauvages, magnifiques, invitant à l’évasion. Des yourtes aux formes voluptueuses, dont la sobriété extérieure ne laisse pas forcément deviner l’explosion de couleurs et de chaleur intérieures. Le visage buriné, apaisant et souriant de ses habitants, laissant entrevoir dans leurs yeux rieurs, leur convivialité et leur douceur de vivre. Une philosophie de la vie ébranlant notre matérialisme occidental, le rendant presque ridicule. Une spiritualité intime et respectueuse…
Voilà l’image que j’avais de la Mongolie.
Jusqu’ à ce que je lise « Yeruldelgger » et « Les Temps sauvages – Yeruldelgger » de Ian Manook. (Cliquer sur les images pour les agrandir)
Deux livres dévorés coup sur coup. Impossible de terminer le premier sans envisager de se jeter sur le second.
Car c’est addictif. Véritablement.
Ian Manook nous entraîne dans deux romans policiers aussi décapants que passionnants.
Le héros au nom imprononçable est sans doute le flic le plus attachant qu’il m’ait été donné de rencontrer dans mes déambulations littéraires.
Yeruldelgger.
Charismatique. Bon. Intelligent. Initié par des moines « shaolin » à leur spiritualité troublante et fascinante. Au passé compliqué, avec une histoire personnelle violente, triste à en pleurer. Le flic parfait? Oui. Non. Peut-être. Têtu, ingérable, imprévisible, parfois violent, intègre et avide de justice, n’hésitant pas à envoyer paître sa hiérarchie et ses règles, pour mener à bien ses enquêtes. Par cette phrase, Ian Manook le définit avec superbe:
« Yeruldelgger enfilait sa panoplie de flic ramasseur d’âmes défaites et se tourmentait toute la journée à essayer de comprendre qui les avait fracassées. Histoire sans doute de ne plus penser à l’empire vaste et vide, à l’image de sa vie. »
Dans le premier opus, la découverte du corps d’une enfant enterrée avec son tricycle et ceux de 3 Chinois mutilés vont mettre le feu à une poudrière: Yeruldelgger n’aura de cesse de rechercher les coupables, tant dans les milieux néo-nazis que dans les milieux corrompus de l’administration mongole. Dans le second opus, le trafic d’êtres humains par des organisations mafieuses, une accusation à son encontre, montée de toutes pièces, feront exploser de rage notre policier d’habitude si zen; enfin… presque zen.
Je ne rentrerai pas dans le détail de chaque histoire. Ce serait trop long et ces 2 livres méritent de garder toutes leurs surprises.
Je vous dirai juste que les personnages principaux sont tout aussi attachants, que les femmes ont une place essentielle dans les récits: magnifiques Oyun et Solongo, ses collègues et proches, mais non moins magnifiques les femmes rencontrées à travers ses aventures, celles au visage que l’on devine abîmé par la vie mais qui savent toujours si bien l’accueillir, lui sourire et lui dire des choses par énigmes, donnant à la philosophie de vie mongole tout son sens…
Je vous dirai juste que Yeruldelgger nous entraîne dans les tréfonds des entrailles d’Oulan Bator, faisant ainsi voler en éclats l’image que j’avais de la Mongolie. Les immenses steppes ne sont jamais loin des quartiers pauvres et souvent glauques de la capitale mongole mais leur description précise écorche l’image de carte postale que j’avais de ce pays. Les enchevêtrements d’immeubles staliniens et de yourtes traditionnelles de cette ville nous fait bien comprendre combien ce pays est en évolution constante.
Je vous dirai juste que Ian Manook est brillant de justesse, de philosophie zen et de poésie dans ce genre qu’est le policier et que le lire est un véritable régal de chaque instant. Malgré la violence innommable de certains crimes et les violences faites aux femmes. Car si de toute évidence l’auteur défend la gente féminine, il ne la ménage pas, dénonçant ainsi une réalité ô combien cruelle, hélas…
Et qu’il faut le lire absolument.
Il vous reste deux mois pour vous délecter de ces 2 titres. Le troisième opus sort début octobre. « La mort nomade »… C’est long 2 mois d’attente, je trouve…
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J’ai rencontré Ian Manook à Nancy au mois de mai… La passion et le plaisir qu’il a mis à nous expliquer le pourquoi de la Mongolie a déclenché en moi une curiosité terrible. Ce fut un magnifique moment… Tout comme ces lectures…
Juste une petite chose… Un petit clin d’oeil… Je ne connais pas l’art culinaire mongol. Et j’ignore, Patrick, si je serai capable de la découvrir un jour… Oui oui, à cause de toi. La description de la préparation de la tête de chèvre bouillie fut un grand moment de solitude nauséeuse… Quant à mon thé noir, même pas en rêve je rajoute du beurre de yack rance dedans!
Je te remercie encore pour cet intense plaisir de lecture. A très bientôt j’espère.
[…] Pour lire la chronique sur ces 2 polars addictifs, c’est ici! […]
[…] mongol dévorant une tête de chèvre bouillie. Ou buvant du lait de yack caillé. Faut voir. Bref. Un régal (les livres, hein, pas les mets précédemment cités que je n’ai pas encore eu le courage de tester. […]