Des livres pour l’été. Pour traverser cette période en découvrant de nouveaux auteurs, de nouveaux titres. Et donner envie d’en lire d’autres, encore et encore.
Voici donc une première sélection pour ce début d’été.
L’homme de la plaine du nord – Sonja Delzongle
Hanah Baxter n’est pas une enquêtrice comme les autres. Elle est sans doute celle qui a le plus morflé dans sa vie. Celle qui essaie de panser des blessures qui sont ravivées à chaque pas qu’elle fait. Celle qui voit des ombres à chaque coin de rue. Sonja Delzongle ne l’a pas épargnée. C’est ce qui fait sans doute que la lectrice que je suis y est très attachée. Dans les précédentes aventures de Baxter, nous la suivons en Afrique, à Chicago, à Saint Malo. Nous voilà désormais en Belgique. Mise en cause dans le meurtre de son ex associé, et amant, elle replonge une nouvelle fois dans son passé tumultueux. Elle va aider les enquêteurs à résoudre des meurtres immondes, tous liés les uns aux autres mais avec un chaînon manquant: qui, des décennies après, semble accomplir une vengeance des plus cruelles? Et accessoirement, qui veut la tuer, elle, et pourquoi? Enfants violentés, folie, milieux d’extravagance sexuelle, rien ne nous est épargné. Mais l’immense talent de Sonja Delzongle est de mener tout cela d’une main experte, sans concessions et avec malgré tout une lueur d’espoir dans l’humanité. Si infime soit elle.
Une enquête haletante qui nous mène dans les plus obscurs recoins de l’âme humaine. Dévorant ces chapitres, parfois à nous donner la nausée, on se demande quand Hanah trouvera enfin la Paix. Avec son passé mais surtout avec elle même. Sonja donne la réponse dans les dernières lignes. Et dans ses remerciements. C’est con d’être émue par ces quelques mots alors qu’elle vient de vous faire traverser un univers de rares violences. Mais le principal est là. Vivre le plus terrible pour aspirer enfin à l’apaisement. J’ai refermé cet ultime tome des aventures d’Hanah Baxter avec une sorte de tristesse. Mais un soulagement aussi: elle va désormais Vivre pour elle. C’est tout le bien qu’on lui souhaite. Comme à une amie. Merci Sonja d’avoir mis Hanah sur nos routes. Et même si cela me coûte de l’écrire, merci de la laisser enfin tranquille… Superbe fin pour cette série addictive. A lire de toute urgence.
Les « sorcières » étaient des femmes qui faisaient peur aux hommes et qui bousculaient l’ordre établi car elles étaient des femmes indépendantes, ne craignant pas Dieu, insoumises aux hommes ivres d’un patriarcat qui leur donnait la toute puissance et surtout la plupart de ces femmes libres étaient savantes. Elles maîtrisaient la science des plantes, des éléments naturels, et ce savoir dépassait les connaissances de certains « médecins ».
Les sorcières de Pendle – Stacey Halls
Dans ce roman, Stacey Halls nous met en présence dAlice Gray, jeune sage femme qui connaît l’usage, les bienfaits des plantes médicinales, et de Fleetwood, une toute jeune femme à peine sortie de l’adolescence, mariée au seigneur de Gawthorpe, et qui veut plus que tout mener cette nouvelle grossesse à terme, les précédentes ayant abouti à des fausses couches. Dans leur ville de Pendle, les gens parlent de ces sorcières vivant dans les bois, et les craignent. Jusqu’au jour où une enfant dénonce ces femmes en les accusant de sorcellerie. Un procès commence alors avec en ligne de mire les proches d’Alice. Fleetwood va tout mettre en oeuvre pour protéger sa sage femme, seule en qui elle ait confiance pour l’aider à mener sa grossesse à terme. Quitte à défier son mari, les autres seigneurs et les notables de sa ville, obtus et aveuglés par leur haine, leur méconnaissance et passablement manipulés par le juge en charge de ce procès. Un livre qui donne un exemple de ce que vivaient les femmes à cette époque, et qui met en avant les envies d’émancipation de certaines. Dans ce récit, Stacey Halls prend la défense de ces « sorcières » qui avaient tant à apporter à ces sociétés fermées et manipulables mais qui ne recevaient que mépris et haine au point d’être exécutées pour le bien public.
Les impatientes – Djaïli Amadou Amal
3 destins de femme avec le même calvaire à vivre: un mariage forcé. Avec des hommes qu’elles n’aiment pas et qui les ont monnayées avec leurs pères et oncles complices. Des unions défiant la nation même de respect. Un asservissement qui est un effondrement pour elles, un accomplissement pour eux. Parce qu’au Cameroun et dans d’autres trop nombreux pays, une fille n’est qu’un faire valoir dans ces familles, dans cette culture dans lesquelles il est difficile d’entrevoir une once de modernité, une infime lueur d’espoir progressiste.
« Depuis notre enfance ils n’attendent que ce moment où ils pourront enfin se décharger de leurs responsabilités en nous confiant, vierges, à un autre homme. »
La culpabilité des filles qui essaient de donner leur avis face à leurs mères qui leur reproche leur ingratitude, leur envie d’émancipation est terrible: car c’est sur elles que retombera la fureur d’un père qui se sent insulté par cette envie de désobéissance et qui reprochera à sa femme de ne pas avoir su éduquer leur fille. Cette culpabilisation est une arme violente et sournoise dans ces relations familiales.
Tout au long de ce roman s’enchaînent des phrases déchirantes de ces femmes qui subissent. Parfois à la limite du supportable.
Avec « Les impatientes » Djaïli Amadou Amal nous livre ici un roman sans concession, dur mais essentiel. Ces destins de femmes résonneront longtemps en nous.
À lire absolument.
Les chaussures italiennes – Henning Mankell
Fredrik vit seul sur une île, dans un archipel suédois, avec son chat et son chien. Il n’a ni famille, ni amis. Son seul contact avec le continent et le monde extérieur est Jansson, le facteur qui se déplace d’île en île pour apporter le courrier à ces insulaires isolés de tout. Sa seule activité, hormis rassurer son facteur hypocondriaque, l’activité de cet ancien médecin est de se baigner chaque matin dans un grand trou fait dans la glace de cette mer froide. Sa vie se résume à des choses simples, une routine qui lui permet de maîtriser ses émotions, ses sentiments et faire abstraction d’un passé dont il ne veut plus entendre parler.
Un matin, sur la glace, une forme se profile doucement, s’approchant avec une démarche hésitante. Derrière ce déambulateur, Harriet, son grand amour de jeunesse. Une femme qu’il a aimé plus que tout mais qu’il a subitement abandonnée, sans aucune explication. Condamnée par un cancer, elle veut qu’il tienne une promesse faite des décennies auparavant: l’emmener voir un lac, dans lequel, enfant, il allait se baigner avec son père. En laissant Harriet franchir le pas de sa porte, il n’imagine pas que lui va franchir une ligne invisible: celle qu’il s’était imposée et qui l’empêchait de vivre réellement. Si la mort rôde autour d’Harriet, la vie, quant à elle, va s’amuser à sortir Fredrik de sa torpeur et lui faire prendre conscience que ce passé est aussi et surtout celui qui l’a construit. Henning Mankell nous offre ici un chef d’oeuvre de la littérature suédoise qui aborde avec une grande pudeur les thèmes comme l’amour, la famille et surtout l’ouverture aux autres. A lire absolument.
La fille de 50 ans – Malin Lindroth
Malin Lindroth est une auteure suédoise qui, à 50 ans, fait le bilan de sa vie sentimentale. Elle fait partie de ces « vieilles filles », sans enfant, sans vie amoureuse. Et pourtant elle en a rencontré des hommes; des mecs qui à aucun moment n’ont envisagé de vivre une histoire avec elle. Ils ont trouvé en elle une oreille attentive, une confidente, une secrétaire ou une correctrice de manuscrits et accessoirement, une amante d’un soir ou deux. Et pourtant elle y croyait. Espérait. En vain. Elle essaie de faire l’analyse de sa situation et de celle de millions d’autres femmes. Parce que non, elles ne sont pas des femmes aigries par la vie, vivant entourées de chats, ou tricotant devant la télé pendant leurs soirées solitaires. Un homme célibataire du même âge est, quant à lui, un aventurier, un tombeur, un homme accompli qui fait rêver ses congénères. La société occidentale impose ce diktat: une femme se doit de fonder une famille, d’avoir un petit ami ou, consécration suprême, un mari. Malin Lindroth, raconte, explique, justifie, dénonce les a priori et les idées reçues sur ces femmes indépendantes qui ont une vie riche malgré ce que beaucoup peuvent en penser. S’il y a des manques évidents, la solitude peut mener aussi à d’autres visions de la vie, des choses.
Ce livre, intelligent, sans filtre, parfois drôle d’une grande humanité et d’une rare sensibilité, nous montre que vivre seule n’est pas un échec. Choix ou suite de déceptions, la condition de ces femmes expliquée ici devient un droit, une évidence au regard de tous.
« De même que ma conviction qu’aucune existence n’est compréhensible tant qu’on ne la considère pas comme le résultat d’une confrontation entre le désir, l’impuissance, le manque, le hasard et le potentiel plutôt que comme la somme de choix libres.
L’embellie – Audur Ava Olafsdottir
C’est son histoire, à elle. Elle qui ne veut pas d’enfant, qui vit au jour le jour et qui est quittée par son copain, pour une autre, prête à le faire devenir père. C’est vers elle que se tourne Audur, son amie, pour garder son petit garçon car une grossesse compliquée la cloue sur un lit d’hôpital. Un étrange petit garçon presque sourd, et qui porte d’énormes lunettes. Un petit garçon qui communique par signes et qui est curieux et intelligent.
Pour changer d’air et rejoindre un chalet d’été providentiel, elle embarque le petit dans un périple à travers l’Islande, dans le froid et les longues nuits de route. Elle va apprendre à s’occuper de ce petit être si fragile sans vraiment l’être, nouant des liens qui se resserreront au fil des jours, dévoilant une complicité bouleversante. Leur chemin croisera d’autres chemins, d’autres personnes qui se feront une place auprès de ce tendre duo.
Dans ce roman, l’auteure de « Rosa Candida » nous entraîne à nouveau dans une poésie magnifique, dévoilant à chaque page son talent de conteuse. Une histoire qui pourrait être lourde, étrange voire oppressante sous cette pluie d’un automne sombre, mais qui ne l’est pas le moins du monde. Audur Ava Olafsdottir a ce talent indéniable des mots qui touchent, oscillant entre pudeur et simplicité. Un autre véritable petit bijou venu du froid. A lire absolument.
Un été invincible – Alice Adams
Ils sont 4 amis. 4 amis inséparables ayant fait leurs études ensemble. Benedict, Eva, Sylvie et Lucien. Tous très différents mais complémentaires. Ils se soutiennent, rient ensemble, partagent des moments légers ou difficiles, et ils s’aiment par dessus tout. En cet été 1995, ils terminent leurs études et vont s’éloigner pour embrasser des vies d’adultes très différentes.
Au fil des chapitres, nous les découvrons grandir différemment et prendre des chemins souvent opposés.. La vie les éloignera. Puis les rapprochera par moments. Elle leur jouera des tours, les obligeant à se rapprocher à nouveau; parce qu’ils sont amis. Et que ces liens sont et resteront indéfectibles.
Alice Adams nous raconte avec délicatesse et réalisme la vie de ces 4 jeunes londoniens sur 20 ans. Un récit haché mais terriblement fluide. Une écriture qui dissèque magnifiquement les conflits, les idées opposées, les sentiments, les joies, les souffrances et les choix de vie de chacun dans une société dans laquelle il est parfois difficile de faire son chemin. Un roman incontournable, une ôde à l’amitié, la vraie.
Une bête au paradis – Cécile Coulon
S’il y a bien une auteure à lire absolument, c’est Cécile Coulon. Un petit prodige de la littérature contemporaine. Elle écrit non seulement parfaitement mais a une sensibilité à fleur de peau. Une sensibilité qui nous touche et fait de ses écrits des véritables pépites. Dans « Trois saisons d’orage », elle nous emmenait dans une France reculée, au caractère bien tranché et aux personnages forts et attachants. Dans « Une bête au Paradis », tous ces éléments sont là. Emilienne, vieille dame qui a la terre de sa ferme qui coule dans le sang et qui voue à sa petite exploitation un attachement viscéral. Et ses deux petits enfants, Blanche et Gabriel dont elle a la garde depuis la mort de leurs parents, alors qu’ils étaient très jeunes. Depuis des années, elle est aidée dans son quotidien par Louis, un adolescent battu par son père qui a trouvé une sérénité toute relative en étant accueilli au Paradis. En effet, en grandissant, Blanche devient une jeune femme aussi attachée à sa terre que sa grand mère. Mais si elle pose un regard fraternel et distant sur Louis, elle tombe folle amoureuse d’Alexandre, au désespoir de cet homme qui voit en elle son double. Mais cet amour ne sera guère résistant quand Alexandre partira étudier loin de ce domaine dont il ne veut pas entendre parler. Blanche traversera ces années en s’accrochant encore plus frénétiquement à cette terre, à cette ferme qui fait partie d’elle. Sous l’oeil de Louis, et de sa grand mère, elle va s’enfermer dans un mutisme et une abnégation au travail que seuls des amoureux acharnés de la terre peuvent comprendre. Mais un jour, Alexandre revient. Et cet équilibre fragile va vite exploser, entraînant Blanche dans une colère dévastratrice. Un roman sur la force des femmes et sur celle qu’elles puisent de ces terres et de cet héritage parfois lourd. Magnifique.
Le quatrième sacrifice – Peter May
Dans ce deuxième volet de la série chinoise de Peter May, Margaret Campbell retrouve Li Yan. Après une brève liaison dans « Meurtres à Pékin », celui ci n’a plis daigné donner signe de vie à celle dont il s’était senti si proche. Alors que Margaret s’apprête à rentrer aux Etats Unis, l’ambassade américaine l’appelle de toute urgence car l’un de ses diplomates a été retrouvé décapité. De la même façon que 3 autres hommes, avec tout un cérémonial étrange. Obligée d’accepter de travailler sur cette enquête, elle va se retrouver face à Li et va devoir composer avec ce flic qu’elle pensait connaître et qui affiche désormais un dédain qu’elle ne supporte pas. Alors que l’enquête débute, elle va rencontrer un journaliste américain, Michaël Zimmermann, féru d’archéologie, qui va lui faire découvrir une partie de l’histoire de la Chine en l’emmenant découvrir l‘Armée des Soldats de Terre cuite. Fascinée par ces récits historiques et impliquée plus qu’elle ne le souhaiterait par cette enquête, Margaret commence à s’interroger sur la pertinence de rester dans ce pays qui la trouble tant. Mais les rebondissements et les découvertes faites conjointement avec Li aiguisent sa curiosité. En quoi sont liés ces meurtres? Les victimes se connaissaient elles? Et lentement, les spectres de la sanglante Révolution Culturelle émergent et semblent donner tout son sens à cette série de meurtres sanglants. Un polar riche, documenté et qui nous entraîne dans un pan terrible de l’histoire de la Chine.
Danse avec la foudre – Jérémy Bracorne
Un livre que je n’attendais pas.
Parce que l’on n’attend jamais un livre qui vous prend aux tripes au point où vous en avez les yeux gonflés.
Parce que j’ai grandi dans le Pays Haut lorrain. À Longwy. Que je fréquentais des potes de Villerupt. Que je disais aussi que l’église en acier de Crusnes pleurait des larmes de rouille. Que ma Nonna me gavait de plats italiens. Et que je sais cette tristesse économique d’une région abandonnée par tous. Sauf par des Figuette, des Nourdine, des Bolschoï… Des mecs qui étaient attachés à leur vie d’ouvriers sous perfusion. Sans réel avenir professionnel. Des mecs qui ont fait des mots solidarité et amitié leurs devises inébranlables.
Figuette se retrouve seul avec sa fille Zoé, parce que Moïra est partie et ne donne plus de nouvelles. Alors il espère. Il attend. Il se morfond. Il se rappelle leur rencontre, leur passion folle, leur amour, leurs disputes, leurs souffrances partagées à demi mot. Et quand il se décide à emmener Zoé en vacances, ce n’est que dans un but: reconquérir Moïra qui verra à quel point il est un bon père et qu’il « assure ». Mais les apparences sont trompeuses et cette escapade va vite le ramener à cette vie qu’il subit. S’échappant dans des décors oniriques, faisant vivre à sa fille des vacances que nul ne pourrait imaginer. Parce qu’il n’en manque pas Figuette, d’imagination.
C’est émouvant, surprenant, touchant, tendre et particulièrement bien écrit.
La femme que nous sommes – Emma Deruschi
« Mourir était il plus douloureux encore? »
Dès les premiers mots d’Elisa, j’ai compris.
Compris que ce livre ne me lâcherait pas.
Avec des mots délicats, pudiques, Elisa parle. Nous dit tout, à mots plus ou moins couverts. Son départ préparé. Calculé. Mais où et avec qui nous l’ignorons.
Elle nous raconte sa vie, ses peurs et ses espoirs, son combat pour ne pas flancher, son affection pour ses patients, sa magnifique empathie, ses amies si diverses, et Marc. Tout elle nous raconte tout.
Et puis tout ce beau petit monde qui la côtoie nous raconte aussi, mais juste Elisa. Le femme exceptionnelle qu’elle est. La sœur toujours présente. La kiné attentive. L’amie tant aimée. La mère protectrice.
Au fil des chapitres s’installe une tension notable. J’ai tourné les pages avec une appréhension à peine dissimulée. J’ai pensé à ne pas lire le dernier chapitre dans lequel Elisa détaille cette soirée tant redoutée. Et j’ai lu deux fois le dernier. Avec une boule dans la gorge.
Parce qu’Elisa c’est effectivement la femme que nous sommes. Que nous pouvons toutes être. Celle qui est aimée. Celle qui est silencieuse. Celle qui vit dans la peur quotidienne, viscérale. Celle qui fait la une des journaux quand cette violence lui a été fatale.
Un roman d’Emma Deruschi sur les violences faites aux femmes…
Le Prieuré de l’oranger – Samantha Shannon
Un livre de fantasy.
Cela faisait des années que je n’en avais pas lu. Le dernier en date était le troisième volet du « Seigneur des Anneaux » de JRR Tolkien.
Quand j’ai regardé GOT, j’ai été tentée de me plonger dans l’œuvre de George RR Martin et puis j’ai abandonné l’idée. Commencer la lecture de cette œuvre monumentale aurait impliqué de ne plus rien lire d’autre. Un jour peut-être…
Et puis lors d’un passage dans la médiathèque de ma petite ville, Valentine m’a dit en me montrant ce livre qu’il fallait le lire, qu’il était très bon.
Pourquoi pas… Cela me changera de mes lectures habituelles. 960 pages. Un véritable parpaing de papier.
Dès les premières pages, j’ai su que j’irai au bout.
Samantha Shannon nous entraîne dans une intrigue qui nous happe instantanément. Des intrigues prometteuses d’aventures hors du temps. Un monde tellement vaste et différent que la carte au début du récit est épluchée à chaque chapitre.
Ead et Tané sont deux filles que tout oppose. L’une se rêve dragonnière et l’autre a pour mission de tuer les dragons, pour protéger la reine Sabran et son reinaume du retour du Sans Nom, spectre maléfique endormi depuis mille ans, qui va se réveiller au fil de l’histoire et qui n’a que pour objectif de détruire ce monde. Les autres contrées vont elles se lier contre la menace qui obscurcit chaque horizon? Chaque être humain,ou pas, sera-t-il capable d’accepter de se tourner vers l’autre et envisager l’avenir autrement?
Je ne vous parlerai pas de Loth, de Truyde, de Loos, d’Omren ni des dizaines d’autres personnages hauts en couleur. Encore moins des dragons fascinants, des vouivres ou autres créatures surnaturelles.
Je vous tairai ce qu’est ce prieuré de l’oranger.
Non. Je ne vous en dirai pas plus.
Si ce n’est que j’ai vécu des heures de lectures au rare sentiment d’évasion et au plaisir incroyable de découvrir une forme de littérature qui n’est pas la mienne!
Samantha Shannon est à 29 ans une auteure plus que prometteuse! Bluffante, surprenante et imaginative.Tout ce qu’il fallait pour écrire un tel roman addictif.
N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures – Paola Pigani
Le camp des Alliers. Un camp d’internement pour tsiganes au début des années 1940 à proximité d’Angoulême. Des centaines de gens du voyage parqués, comme des bêtes. Dans des conditions de vie absolument abominables. Leurs roulottes, leurs chevaux, leurs quotidiens, leurs bien confisqués dès leur arrivée. Des vies volées, bafouées.
Quand Alba, jeune adolescente tsigane, met les pieds dans ce camp, elle n’imagine pas y rester quasiment 6 ans. Six longues années à essayer de ne pas perdre pied. A Garder les yeux bien ancrés dans le ciel, car les étoiles, ils ne peuvent pas les leur voler.
Les journées s’enchaînent se transformant en semaines puis en années. Un calvaire rempli d’humiliations, de tristesse, de deuils, de désespoir, de désoeuvrement, de privations de leur bien ultime: leur liberté. LA définition même de ce qu’ils sont. Et il y a Alba, justement. Elle grandit, se révolte en silence, accepte, s’indigne, souffre, serre les poings. Mais elle espère, se bat contre le fatalisme en imaginant qu’ils sortiront bientôt et ayant une foi indicible en l’avenir. Et puis surtout, elle aime. Les siens. La vie. Et Silvère, jeune homme ténébreux auprès duquel elle deviendra femme. Les années vont la révéler pilier central de cette famille abîmée qui réapprendra à vivre libre, gardant des stigmates profondes de leurs souffrances. Enveloppée par l’écriture poétique de Paola, Alba force notre admiration à chaque mot. Paola Pigani nous transporte dans cette partie honteuse de notre histoire. Hélas méconnue et négligée. Sans fard mais avec une certaine pudeur et retenue. Dans cet hommage à la
Nos corps étrangers – Carine Joaquim
C’est une histoire somme toute banale.
Un couple qui déménage pour sauver les meubles. Ceux qui se sont détériorés avec les années, les déceptions, les trahisons, les attentes vaines.
Un couple qui essaie de donner le change devant leurs proches. Mais qui ne savent tromper qu’eux mêmes. Même leur fille de 15 ans, toute à sa vie d’adolescente n’est pas dupe de leurs façades presque grimaçantes.
Ils partent. Décorent leur maison. Admirent leur jardin. Leur nouvel espace. Se réjouissent de cette nouvelle vie plus calme loin de la capitale.
Les semaines passent. Leur fille se fait remarquer au collège. Ils repensent à leur passé. S’interrogent. Rencontrent d’autres regards. Et si ils avaient osé autre chose?
Une histoire somme toute très banale, donc.
Mais le talent de Carine Joaquim est justement là. De nous faire comprendre que ce roman n’est pas si simple. Qu’ils ne vivèrent pas heureux jusqu’à la fin de leur jours. Et ce, dès les premières pages. Les fissures, pourtant lissées réapparaissent rapidement. Les apparences sont usantes à entretenir. Les faiblesses humaines reprennent le dessus. Des passions renaissent. Et tout cela s’emmêle doucement, au fil des chapitres. Jusqu’au dénouement auquel on ne s’attend pas. Et qui fait que ce roman et cette auteure sont à découvrir!