Quand Manuel Fagny m’a proposé son premier roman, j’ai accepté. Ce n’est pas simple de parler d’un premier roman. Mais j’ai bien fait.
Car « Après les mots » a été une réelle belle découverte. Bien écrit et d’une grande sensibilité.
Edouard est un homme qui se cherche. Avant de se trouver, il fait la fête avec ses potes, boit beaucoup, s’étourdit dans les soirées sans fin et se réveille dans les bras de dame gueule de bois. Il ne voit plus son père, mais reste en contact avec sa belle mère, Françoise, avec qui il s’entend plutôt bien. Le décès de sa maman quand il était jeune a creusé un fossé avec ce père aussi taiseux et pudique que lui. Ils savent que l’autre est là, ne se voient que rarement et cela semble leur convenir.
Céline, sa meilleure amie, ne l’a jamais laissé tomber. Ils pourraient être frère et sœur. Ils se disent tout, se retrouvent régulièrement pour se raconter leurs vies tellement différentes. Son meilleur ami, Pat, est un fervent opposant à toute idylle sérieuse. Ils passent des soirées ensemble, entre cafés et boîtes de nuit. De véritables oiseaux de nuit sans aucune attache. Il vit ainsi. Rassuré par des habitudes qui ne le font pas grandir mais qu’il semble maîtriser.
Et puis un soir, Romane.
Celle qu’il n’attendait plus, qu’il n’espérait plus. Si tant est qu’il l’ait attendue ou espérée. Et sa vie bascule. Fou amoureux de cette femme qui ne lui promet rien et continue de vivre comme s’ils n’étaient que des sex friends. Il se met alors à croire qu’une autre vie est possible. Une vie dans laquelle il aurait enfin des objectifs dignes de ce nom. Une vie apaisée et douce. Il attend. Espère. Enfin. Et se navre de son incapacité, à elle, de se poser enfin. Des nuits à se remettre en question, à réfléchir et à essayer de trouver un sens à sa vie, à se poser 1001 questions. A se demander pourquoi il en est arrivé à devenir cette ombre qu’il ne supporte plus de voir dans le miroir le matin. Les silences et le départ de Romane mettent un point final à tout espoir d’une rédemption sentimentale, affective… Et lentement, il va sombrer dans des tourments qui le laissent souvent ko. Errant de son lit à son canapé. Une errance dans des abîmes desquelles il sait ne pas pouvoir remonter seul.
Et quand il se décide à retrouver ses racines, à affronter son histoire familiale, à dire enfin les choses, la vie va lui jouer un autre tour. Et s’il ne parvenait pas à se relever de ce nouveau coup dur?
Toute l’intelligence de ce roman est qu’il nous surprend. Rien n’est prévisible. Rien n’est établi. Mais tout est cohérent. Et c’est vraiment bon. Toutes les questions qu’Edouard se pose sont des questions que nous mêmes nous nous sommes posés à des moments clefs de notre vie. Sa difficulté à exprimer ses sentiments, tout comme son père nous concerne aussi, d’une certaine façon; savons nous toujours trouver les mots? Au bon moment? Et si j’avais dit ça et pas ça? Et si j’avais su, osé? Et que reste-t-il, justement, après les mots? Nous trouvons une résonance évidente en lisant ses mots à lui… Manuel Fagny signe ici un premier roman très prometteur. Aux Editions Academia.