George est un prof émérite, aimé par ses élèves et collègues et surtout, surtout, il est un véritable héros local. Dix ans avant le début de cette histoire, il a réussi à maitriser un homme qui rentrait dans le lycée, armé d’un fusil, au péril de sa vie. Porté aux nues, il mène une vie tranquille aux côtés de sa femme, Joan, de sa fille Sadie, dans l’une des plus jolies maisons d’Avalon. Son fils aîné, Andrew, avocat, vit à New York et ne fait que de brefs séjours dans ce cadre de vie idyllique.
Le calme avant la tempête.
Peu après le retour d’une sortie scolaire, George est accusé d’agressions sexuelles envers de jeunes élèves participant à ce voyage.
Sa vie bascule. Leurs vies basculent. Et toute la société d’Avalon se déchaîne.
Il y a ceux qui dénoncent cet ogre et son appétit sexuel déviant. Et ceux qui n’y croient pas et le soutiennent. Les journaux font leurs choux gras de cette situation et n’hésitent pas à afficher des gros titres au parfum de scandale. S’asseyant sur la présomption d’innocence, pourtant brandie par ses soutiens. Les équipes de télévision campant devant la maison pour apercevoir sa famille et tenter de glaner des informations. Une ambiance lourde et pesante, qui semble balayer d’un revers de main la quiétude des jours précédents.
Et puis il y a Joan, Sadie et Andrew. Qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive. Qui pensent que c’est une simple erreur. Que George va vite être libéré et que leur vie reprendra son cours, comme si rien ne s’était passé. Ils vont apprendre à supporter les regards haineux des gens, voir leurs amis proches leur tourner le dos, essayer de faire semblant d’aller bien, de marcher la tête haute en ignorant les autres. Mais leurs façades qu’ils pensaient être en béton armé, vont se fissurer petit à petit. Et les flots de questions les submergent. Pourquoi serait-il accusé à tort? N’aurait-il pas été capable de faire cela finalement? Et pourquoi semble-t-il ne pas se défendre aussi violemment qu’ils l’auraient souhaité? Et la question fatidique « Et s’il était coupable? » qui fait exploser leur équilibre familial déjà bien entamé…
Avec « Des gens irréprochables », Zoé Whittall nous offre un roman passionnant, addictif. En dénonçant cette société d’Avalon, elle dénonce toutes les sociétés qui donnent aux hommes des places prépondérantes. Que cela soit George, Kévin ou les autres, ils ont tous une forte emprise sur les femmes, aussi libres puissent elles paraître. Quant à cette société qui toise, juge et se permet de dénoncer sans savoir, elle ne trouve aucune circonstance atténuante à sa bêtise bien affichée. Cette critique sociétale est sans équivoque, sans concession et nous interroge sur notre façon de penser et d’agir. Comment aurions nous réagi face à une situation qui peut nous toucher aussi? La situation que nous traversons actuellement montre que chacun peut avoir un avis arrêté et parfois édifiant sur un sujet que nous ne maîtrisons absolument pas. Et c’est cela qui est très intelligent dans ce roman: nous ne savons pas. Elle ne nous confronte pas aux actes mais aux conséquences de ceux ci, sans les connaître. Nous ignorons ce qui s’est passé, jusque dans les dernières pages. Aucun voyeurisme ou image racoleuse: cette accusation n’est pas une finalité en soi mais le prétexte à pointer du doigt, pertinemment, les défaillances de notre société et de ces gens irréprochables…
Un livre et une auteure à découvrir aux Editions Eyrolles.