Le libraire de Wigtown – Shaun Bythell
Quand on décide de devenir libraire, ce genre de titre de livre attire forcément l’œil. Et la lecture de la quatrième de couverture ne dément pas cet attrait. Shaun Bythell est libraire dans la petite ville de Wigtown, en Ecosse. Sa librairie est la plus grande librairie d’occasion du pays. Il nous raconte chaque journée, pendant un an, de façon plus ou moins détaillée, sans omettre de préciser le nombres de commandes, de livres vendus et le chiffre d’affaires de la journée. Il Dépeint avec un humour so british le portrait de ses employés (mention spéciale pour l’extravagante Nicky, qui m’a fait rire aux éclats à plusieurs reprises), un humour qui laisse malgré tout transparaître une certaine tendresse pour chacun d’entre eux.
Ses achats, ses ventes sont ponctués de détails riches qui font découvrir des aspects de la culture et de la littérature anglaise ou écossaise. De nombreux extraits du livre de George Orwell « Quand j’étais libraire » sont juste savoureux. Mais ce qui est amusant, ou pas, tout au long de ce roman, ce sont les clients, leurs remarques, leurs comportements, leurs insupportables demandes de rabais, leurs caprices… face à un libraire passionné aussi décontenancé que grinçant, drôle et amer qui nous fait découvrir sa vie trépidante. Une petite bouffée d’air frais à découvrir en dégustant un Earl Grey, sourire aux lèvres…
De cendres et de larmes – Sophie Loubière
Vivre dans un cimetière. Lorsque je vois les maisons, souvent vides et délabrées, des anciens gardiens de ces lieux, je m’interroge toujours sur les émotions que doit donner cette situation un rien étrange. Vivre au milieu des morts. Si Violette de Valérie Perrin nous en donne une vision presque apaisante, Sophie Loubière, elle, écorche un rien cette image…
Quand Madeline, Christian, son mari et leurs enfants emménagent dans un pavillon immense à l’entrée d’in cimetière, ils n’imaginent pas à quel point cela va bouleverser leurs vies. Christian, en devenant le gardien de ce cimetière a offert à sa famille ce dont elle rêvait: une maison avec des espaces pour tout le monde, afin que chacun puisse s’y sentir bien. Mais les contraintes de cette nouvelle vie entame rapidement le moral des uns et des autres. Et la maison qui semblait idéale, leur pèse chaque jour un peu plus. Les tensions s’accumulent autant que les fissures qui dévoilent le passé lourd et angoissant de cette bâtisse. Et quand Christian se met à peindre ses émotions, et à changer radicalement de comportement, c’est tout leur univers qui bascule…
Sophie Loubière dépeint avec délicatesse et noirceur le changement de vie, les changements personnels et les angoisses à peine dissimulées des uns et des autres. Un roman envoûtant à lire absolument.
Seule en sa demeure – Cécile Coulon
Je ne présente plus Cécile Coulon. Une incontournable de la littérature contemporaine. Avec son dernier roman, elle nous entraîne une nouvelle fois dans une campagne sombre, mystérieuse, remplie de secrets, de non-dits, de poésie, de personnages plus ou moins troubles, vivant dans une demeure qui abrite un passé dont on ne parle pas.
Quand Aimée se marie, sans grande conviction, avec Candre, elle sait que sa vie ne sera pas remplie d’un grand bonheur mais elle espère le calme auprès d’un mari attentionné. Riche propriétaire jurassien, celui ci se montre plein d’égards à l’encontre de sa jeune épouse. Il est délicat, effacé et veut qu’elle se sente bien dans cette demeure qui est désormais la sienne. Auprès d’eux vivent Henria, la servante qui a servi de mère de substitution à Candre, et son fils, Angelin, homme secret et muet. Mais il y a aussi Aleth, la première épouse de Candre, morte prématurément mais dont la présence semble encore bien marquée. Une vie simple. Mais ennuyeuse pour Aimée qui semble avoir adopté la mélancolie comme meilleure amie. Et lorsque Candre lui propose de prendre des cours de musique avec Emeline, afin de lui apporter un peu de distraction, elle accepte. Tout en ignorant que cette jeune professeure va révéler en elle des envies de braver les interdits, de savoir ce que cette maison a vécu et de connaître la vérité sur la mort d’Aleth…
Une nouvelle fois, Cécile Coulon nous surprend par sa maîtrise de la langue française et sa capacité hors du commun à mêler poésie et récit romanesque. Elle sait mieux que quiconque décrire l’âme de ces campagnes, leur noirceur et leur beauté.
Le bonheur est au fond du couloir à gauche – J.M. Erre
Attention! Je vous mets en garde! Ce livre provoque des éclats de rire à chaque page. C’est un dangereux anti-déprime d’automne qui donne envie de faire promulguer une loi pour obliger chaque citoyen à le lire et ainsi reboucher le trou de la sécu. Plus sérieusement? Ce livre est une pépite d’humour complètement décalé, voire absurde. Et qu’est-ce que c’est bon!
Quand Bérénice quitte Michel, après 3 semaines de vie commune et à peine plus d’histoire « d’amour », celui ci, déprimé de naissance, va sombrer dans une remise en question totale et essayer de reconquérir sa bien aimée. Sauf qu’il est complètement déjanté et va passer la journée à essayer de trouver la meilleure façon de se suicider avant de décider d’être heureux en une journée. Parce que oui, d’après les sites internet, et les marabouts africains qu’il consulte moyennant finances, il peut à la fois trouver le bonheur en quelques heures et faire revenir Bérénice avant 20h. Entre visionnages de vidéos de campagne électorale qui l’émeuvent…
Un petit Nicolas Sarkozy millésime Bercy 2007 et hop, vous êtes regonflé à bloc. Quelques blagues de François Hollande derrière son pupitre à Tulle et c’est reparti comme en 40. Pour les connaisseurs, un Jacques Chirac au Salon de l’Agriculture, ça vous illumine une soirée tristesse.
… et son voisin, M.Patusse, qui est un rien intrusif…
Je n’y vais pas par quatre chemins et je demande à M. Patusse s’il a déjà entendu parler du concept de mansplaining. Mon voisin me demande en retour si j’ai déjà entendu parler du concept de poubelles le mardi. Le duel oratoire s’annonce de haute volée. J’affûte mes arguments. Le suspense est à son comble. Je descends récupérer mes poubelles.
Et j’en passe. Chaque page est une mine d’humour délirant. A lire de toute urgence pour éclaircie ce ciel d’automne!
La villa aux étoffes – Anne Jacobs
« L’ambiance de Downton Abbey ». Il n’en fallait pas plus pour me convaincre. Ne me demandez pas pourquoi mais je n’ai jamais regardé Downton Abbey. Simplement, je suis fan de ces univers hors du temps dans des contrées perdues entre champs et forêts, avec des domaines dont les propriétaires se déchirent à grands coups d’envolées romanesques et de dialogues bien tournés, et je ne parle pas de la condition des femmes qui me fascine. Jane Austen quand tu nous tiens. Donc après des lectures plus sombres, je me suis laissée tenter. Et j’ai bien aimé.
Quand Marie, adolescente orpheline, arrive dans la cuisine de la demeure des Melzer, elle découvre un univers dont elle n’avait pas idée. L’opulence la surprend Elle qui est habituée aux soupes plus qu’éclaircies, aux nuits gelées dans un orphelinat austère, découvre la vie des « grands » d’Augsbourg. Entre sorties en société, repas et bals, les femmes n’ont guère de préoccupations domestiques. Les hommes, eux, parlent enrichissement, essor de l’industrie et politique en cet automne 1913 qui n’augure rien de bon. Marie va apprendre à évoluer dans cette société qui oscille entre superficialité et gravité, et qui a bon nombre de secrets à dévoiler. En découvrant qui étaient réellement ses parents, Marie va voir sa vie bouleversée et espérer ainsi un autre avenir.
Un roman intéressant sur un pan de l’histoire allemande. Sans niaiserie ni mièvrerie. On se laisse entraîner dans cette saga qui compte désormais 5 tomes.
Neuf parfaits étrangers – Liane Moriarty
Ils sont neuf. Neuf à avoir signé un engagement pour passer 10 jours à Tranquillum House, dans la campagne australienne. Un séjour de repos basé sur le silence, la méditation, le Taï Chi, le jeûne et diverses activités qui devront leur permettre de transformer leurs vies, et retrouver un bien-être depuis longtemps perdu. Tous ont des profils différents, des vies opposées et des raisons bien spécifiques d’entamer cette remise en question. Leurs attentes sont elles aussi, très diverses. Entre un couple qui veut sauver un mariage à la dérive, une quadragénaire qui veut perdre du poids, une auteure autrefois à succès qui vient de se faire refuser un manuscrit, etc, ils espèrent mais ne savent pas à quoi s’attendre.
Et ils ne seront pas déçus. Car leur hôte, Masha, et ses acolytes, Yao et Dalila ont des méthodes particulières, voire révolutionnaires pour les aider à atteindre leurs buts respectifs. Et c’est drôle. Dérangeant, parfois, mais drôle. Dans ce roman, Liane Moriarty dénonce cette vague contemporaine du développement personnel et de ses excès. Terriblement d’actualité et diablement caustique.
La carapace de la tortue – Marie Laure Hubert Nasser
Clotilde est une jeune femme complexée par ses rondeurs, peu sûre d’elle, timide et vivant en tentant de ne pas côtoyer trop de monde. Elle fait des ménages à Paris mais se décide à changer de travail quand sa grand-tante lui propose de revenir à Bordeaux, de lui prêter un superbe appartement dans l’immeuble dans lequel elle-même vit. Clotilde accepte sans savoir ce que cache cette proposition. En effet, si elle a toujours semblé décevoir ses parents, qu’elle ne voit d’ailleurs plus depuis longtemps, sa grand-tante, elle, fondait de grands espoirs sur cette gamine très intelligente mais qui était toujours mutique, comme désolée d’être là. Et pour parvenir à ses fins, pour l’aider à s’épanouir, elle sort l’artillerie lourde: tous les occupants de son immeuble vont devoir, à leur façon, intervenir auprès de sa nièce pour la faire sortir de sa carapace. Entre les mains de Claudie, Sarah, Sophie, Elisabeth et les autres, Clotilde va voir sa vie se transformer doucement.
Un roman que je n’attendais pas. Je l’ai ouvert par hasard et je l’ai dévoré. Drôle mais loin d’être futile et léger, il nous montre à quel point les blessures que nous avons peuvent nous empêcher de grandir. Une belle ôde à l’amitié, à la sororité, à la solidarité tout en tendresse mêlée à une acidité parfois amusante, parfois grinçante. A découvrir de toute urgence!
Une soupe à la grenade – Marsha Mehran
Marsha Mehran était une jeune auteure iranienne prometteuse. Fuyant un Iran en pleine révolution, ses parents l’entraînent dans différents pays du monde. Quand elle publie ce premier roman à 27 ans, elle rencontre un succès mondial. Elle sera retrouvée morte dans une petite maison d’un village irlandais, dans des circonstances qui n’ont jamais pu être établies une décennie plus tard.
S’inspirant de sa vie faite de fuites à travers différents pays, elle nous raconte l’histoire de Marja, Bahar et Layla, sœurs et jeunes réfugiées iraniennes ayant elles aussi fui un pays en train de basculer dans la noirceur des tchadors… En posant leurs valises dans un petite village irlandais, elles espèrent trouver une sorte de paix et de sérénité. Mais ouvrir un restaurant aux spécialités iraniennes dans une petite ville de la profonde campagne irlandaise n’est pas un pari aisé. Si des habitants bienveillants les accueillent les bras ouverts, d’autres sont déterminés à leur mettre des bâtons dans les roues. Mais la cuisine des jeunes filles est si délicieuse que les parfums qui s’en dégagent ont un effet envoûtant sur chaque habitant.
Ce roman est un conte. Un conte culinaire parsemé de recettes qui nous donnent envie de nous mettre à cuisiner Abgoosht et autres oreilles d’éléphant… Seul roman traduit de cette jeune auteure, il nous laisse un agréable goût de grenade cuite dans la bouche…