Il paraît que nous lisons plus en été. Au bord d’une plage, dans son jardin, sur sa terrasse, sur la pelouse d’un parc, dans son canapé, face aux montagnes, les pieds dans un ruisseau, en forêt, dans un camping bruyant, en voiture… Peu importe! Voici des idées de livres pour traverser l’été…
Dust – Sonja Delzongle
J’ai découvert Sonja Delzongle avec Boreal dans lequel elle nous entraînait dans un enfer blanc, celui d’un Groenland obscur et terrifiant. Dans ces premières aventures d’Hannah Baxter, c’est au Kenya que Sonja décide de poser son intrigue. Et quelle intrigue… Depuis de nombreux mois, des croix de sang de la taille d’un homme, sont retrouvées un peu partout. Des litres de sang. Mais point de cadavres. Qui s’amuse donc à narguer ainsi la police en ne laissant aucune trace? Aucun élément permettant de faire avancer l’enquête. Quand Hannah décide de venir épauler son ami Collins responsable du Criminal Investigation Department à Nairobi, elle ne s’imagine pas entrer dans l’anti-chambre de l’Enfer. Quel est le rapport entre les albinos qui sont mutilés ou assassinés en pleine rue et ces crimes? Y-en-a-t-il un? Au fur et à mesure de cette enquête, on découvre une culture ignoble. A vous donner la nausée. Dans ce pays en marche vers une certaine modernité, les croyances animistes ont la peau dure. C’est terrible et effrayant.
Sonja Delzongle a une plume qui vous prend et ne vous lâche pas. Son récit est riche et documenté de façon magistrale. Un livre qui nous fait découvrir les côtés les plus obscurs de l’Homme mais qui laisse aussi un goût d’espoir. C’est juste excellent! A lire absolument.
Quand la neige danse – Sonja Delzongle
Le souci avec les romans de Sonja c’est que l’on devient vite accro. J’ai terminé « Dust » et je n’ai pas pu m’empêcher de me lancer dans le second! J’ai évidemment pris un plaisir fou à retrouver Hannah Baxter dans sa nouvelle enquête. Un an et demi après la chaleur africaine, là voici dans les neiges et le froid de l’Amérique profonde
Quatre fillettes ont disparu: quelques temps après, les parents reçoivent chacun une poupée ressemblant à leurs enfants enlevés. Se retrouvant dans une impasse, une détective privée, Eva, qui aide de façon officieuse cette enquête difficile fait appel à Hannah et à son pendule fétiche. Ce qu’elles vont trouver ensemble laisse penser que cette enquête les renvoie dans le passé de certaines personnes de cette petite ville oppressée par de nouveaux meurtres. Sonja excelle dans l’art de nous plonger dans les tréfonds de l’âme humaine. C’est noir, c’est glauque et c’est très bon!
Le livre sans nom
Dans une ville d’Amérique du Sud, Santa Mondega, le crime règne en roi. Les bagarres, ou autres règlements de compte plus sanglants rythment le quotidien des cafés louches, des rues vidées par la chaleur suffocante, des habitants et des tueurs en tout genre. Le plus célèbre d’entre eux, Bourbon Kid a disparu des écrans radar voilà cinq ans. Après avoir fait plus de 500 morts dans une fusillade ancrée dans la mémoire de chacun.
Or, là, il revient. Cherchant une pierre bleue, « l’oeil de la lune » qui aurait des pouvoirs surnaturels dont celui de rendre invincible celui qui la porte. Et puis… Jessica se réveille après un coma de 5 ans, dans une chambre, seule, dans une ferme. Deux moines arrivent en ville, naïfs et innocents de toute violence, à la recherche de cette pierre. Les tueurs à gage s’entre-tuent dans les bars. Un jeune couple s’amuse à faire les Bonnie and Clyde de pacotille. Une voyante allumée. Un patron de bar qui sert de la pisse aux clients de passage « qu’il ne sent pas »… Un véritable western déjanté qu’on ne lâche pas du début à la fin. Des scènes violentes mais pas sans un humour grinçant. Le surnaturel à la fin peut surprendre mais dans un tel roman, tout est possible.
Ce livre devenu culte est l’ouvre d’un auteur anonyme. Certains pensent que Tarantino en est l’auteur, lui dément. Mais au fil des pages, on imagine effectivement bien les scènes filmées par ce génie des films déjantés mêlant humour décapant et dialogues percutants. A lire absolument!
A sang perdu – Rae DelBianco
Forcément quand on tombe sur un tel livre, on est certain de détenir LA pépite. Noire. Résolument noire. Dès les premières lignes englouties. Le monde peut bien s’arrêter de tourner, on s’en moque. On n’a qu’une seule idée en tête: le terminer.
Quand Wyatt découvre qu’une gamine est en train de tuer un de ses boeufs pour le manger cru sur place, il décide de donner une leçon à cette enfant sauvage. Il la ramène dans la ferme qu’il partage avec Lucy, sa jumelle. Ne sachant que faire de cette prise particulière, il l’enferme dans une chambre et réfléchit à ce qu’elle pourrait bien faire pour lui rembourser son dû. Mais c’était sans compter sur l’intrépidité de cet enfant qui parvient à s’échapper. Il décide alors de la traquer, coûte que coûte. Loin de sa ferme, wyatt découvre alors un monde hostile, violent auquel il ne connaît rien et dont il ne veut rien comprendre. C’est elle, tueuse froide, sans le moindre remords ni le moindre soupçon de regret, qui va le guider dans cette course contre le temps et la mort. Un roman que l’on termine à bout de souffle, qui sent la poussière, la sueur, le sang séché, sur les peaux sales, l’huile de moteur et le skaï, l’alcool frelaté et le mauvais café, la haine et la violence la plus infecte. Rae Del Bianco sonde les tréfonds de l’esprit humain avec une intelligence fine et sans concessions, dévoilant au fil des pages les secrets les plus obscurs des uns et des autres. A découvrir de toute urgence.
Son éclat seul me reste – Natacha Wolinski
Quand elle apprend la tragédie de Charlie Hebdo, Natacha est à l’autre bout du monde. Elle saute dans le premier avion et rentre. Chaque instant, chaque pensée sont désormais dirigées vers ce père adoré. Vers ce père qu’elle avait vu souriant quelques temps auparavant et qui est tombé sous les balles des barbares dont il dénonçait la violence.
Avec une pudeur émouvante, Natacha nous confie sa tristesse, sa détresse, son incompréhension et sa volonté de dire au revoir à sa façon à celui qui les a fait grandir en l’absence d’une mère partie trop tôt. Ce père à l’univers mordant, rempli de dessins et de coups de gueule. Ce père que nous connaissions tous et que nous découvrons ici et autrement. Un livre d’une tendresse subtile et d’une rare intelligence. A lire absolument.
La servante écarlate – Margaret Atwood
Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur.
Voilà. En l’occurence, dans ce roman, ce sont les femmes qui font les frais de cette idéologie machiste qui a réduit en esclaves sexuelles les seules femmes restées fécondes dans cette société patriarcale basée sur des fondements religieux extrêmes. Defred est l’une d’elle. Elle doit donner un enfant à la famille de son « commandant » ou alors elle sera envoyée dans un camp dont elle ne reviendra jamais… Mais Defred n’est pas seulement une servante écarlate. C’est une femme qui a déjà été mère, qui a profondément aimé et qui l’a été en retour et qui se souvient de sa liberté dans la société d’avant dans laquelle tout était possible. Jusqu’à ce que les premières ombres obscurcissent l’horizon… Une femme qui réfléchit et se met à espérer. Parce que rien n’est définitif. tout est toujours à défendre. Chacun de nos droits peut être remis en question, et ce, à chaque instant. A lire absolument.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur – Harper Lee
Scout et Jem sont frère et sœur. Ils vivent avec leur père qui s’occupe d’eux avec l’aide de Calpurnia, leur nounou, intendante, cuisinère qui le seconde au quotidien depuis la mort de sa femme. Enfants intelligents et hardis, ils s’offrent des aventures dans leur quartier, imaginant des histoires, essayant d’observer leur voisin reclus et grandissent sous l’œil bienveillant d’un père présent malgré son travail d’avocat et d’une gouvernante exigeante et sévère au possible mais qui tisse avec eux des liens d’une grande tendresse.
Sauf que nous sommes dans l’Amérique des années 30′. Une Amérique dont encore trop de citoyens regardent les Noirs comme s’ils étaient des insectes à écraser. Une Amérique dans laquelle les lois ségrégationnistes sont appliquées sans réserve.
Quand leur père décide de défendre un Noir accusé d’agression et de viol sur une Blanche, c’est leur enfance et leur innocence qui se mettent à vaciller doucement. En quelques semaines, ils vont apprendre l’injustice et la colère. Ils feront preuve d’une grande lucidité face aux événements auxquels ils vont assister. Harper Lee nous délivre non seulement un message de tolérance et de dénonciation des injustices mais un magnifique message sur l’enfance et sa capacité à prendre la vie à bras le corps! A lire absolument!
Lady Susan – Jane Austen
Une séduisante veuve sans le sou trouve refuge dans sa belle famille qui ne se réjouit pas à l’annonce de l’arrivée de cette femme à la réputation bien entachée. Son charme et sa vivacité d’esprit ont fait tourner la tête de quelques époux de femmes paraissant bien ternes en comparaison… Elle assume de façon insolente son goût pour les partis riches et bien placés dans la société. Une femme qui s’affranchit des conventions, mais qui sait en profiter, une femme qui trouve une grande importance aux relations familiales mais qui n’a pas hésité à laisser sa fille à Londres dans une pension, de peur que sa présence ne contrecarre ses projets et qui envisage de la marier à un homme que la jeune fille ne supporte pas… Une femme qui manipule et méprise ceux qui la font vivre.
Un court roman épistolaire jubilatoire. Les lettres révèlent les intrigues, les mensonges, les secrets, les personnalités des personnages… Ils jugent, critiquent, racontent les actes des uns et des autres, les étapes de cette histoire en pleine époque victorienne, et cette société qui stigmatise, juge, mais qui joue et entretient ces intrigues… Comme tous les romans de Jane Austen, il se déguste comme un met délicat, délicieux avec ce petit côté pétillant et cynique, enchanteur… A lire absolument!
Qui a tué Palomino Molero? – Mario Vargas Llosa
Nous sommes au Pérou, au nord du pays, en 1954. Un crime horrible a été commis: un jeune est retrouvé pendu à un arbre, empalé, torturé… Qui a bien pu commettre un crime pareil, avec une telle sauvagerie, et tuer un garçon aussi gentil que Palomino à la voix de velours ?
Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010, décrit cette enquête minutieuse, menée par le lieutenant Silva et son adjoint le gendarme Lituma. Sous une chaleur infernale, et avec des moyens dérisoires (la gendarmerie, une vague cabane, tombe en ruine… Et pour aller d’un village à l’autre, les deux gendarmes sont obligés de réquisitionner LE taxi du village, ou plus habituellement, de marcher …), Silva et Lituma vont mener leur enquête jusqu’à la base aérienne toute proche, où le « secret militaire » les empêche de progresser… Personnages hauts en couleurs et dialogues truculents, ce livre nous plonge dans le Pérou rural, où les « blancs » (les militaires) n’ont que mépris pour les métis, où les « puissants » font la loi… Rien n’a vraiment changé de ce point de vue, ainsi que la vie misérable de ces villageois, dans des cabanes faites de roseaux ou de torchis.
J’ai adoré ce roman policier qui dépeint la société rurale péruvienne en peu de mots en allant droit à l’essentiel avec des personnages attachants, comme Silva et Lituma … (par Marc)
Le gang des rêves – Luca Di Fulvio
Voilà quelques temps, Nathalie nous avait parlé de ce livre (il faisait partie de sa sélection du 6 février 2019). Suivant ces conseils, je l’ai lu (le livre, pas Nathalie !) et même si je n’ai pas sa plume pour écrire, je voulais vous donner mon avis: « Le gang des rêves » est un chef d’œuvre !!!
L’histoire débute en 1907 près de Naples, dans une région où la pauvreté est effroyable. Pour fuir cette condition misérable, la jeune Cetta décide de traverser l’Atlantique pour rejoindre New York avec son enfant. Mais, le rêve américain n’est pas au rendez-vous et la jeune femme est contrainte d’exercer le plus vieux métier du monde pour survivre et élever son fils. Chrismas grandit comme il peut, comme tous les gosses de la rue. Il apprend à se construire et devient un jeune homme courageux qui n’hésite pas à venir au secours de Ruth, une jeune fille sauvagement agressée.
De là naîtra une passion dévorante, qui hantera le jeune homme toute sa vie, car le destin va les séparer…
Christmas va créer son propre « gang » pour survivre dans cette jungle, et rencontrer d’innombrables personnages, tous plus truculents ou sauvages ou dépravés, les uns que les autres. En lisant ce pavé de 900 pages que j’ai dévoré, j’ai eu l’impression d’être dans un film en Cinémascope, parfois en noir et blanc, parfois en couleur (nous sommes dans les années 20 au début du cinéma, et le parlant arrive peu à peu).
La plongée dans ce New York est un vrai bonheur: l’arrivée à Ellis Island, les quartiers pauvres du Lower East Side, les quartiers chics du côté de Park Avenue, la vie souterraine des gangsters, Central Park, Harlem … J’ai la chance de connaître New York et cela a ravivé des souvenirs en moi. (par Marc)
Je ne suis pas près d’oublier cette galerie de personnages incroyables: Cetta et Christmas bien sûr, mais aussi Ruth, son grand-père, des proxénètes, des gangsters, des riches, ainsi que les pauvres qu’ils soient italiens, juifs ou noirs, tous avec des rêves dans le cœur. Luca Di Fulvio (que j’ai eu le bonheur de rencontrer au salon du livre de Nancy en septembre 2019) a un vrai talent de conteur, pour raconter cette histoire dure, parfois violente, mais au final profondément humaniste, et qui donne foi en l’humanité.
Un chef d’œuvre ? Oui sans aucun doute possible !! Un des plus beaux livres que j’ai jamais lus … Que lire après ce livre ? Difficile de passer à autre chose, tant Christmas, sa maman Cetta et les autres ont pris vie dans mon esprit … Alors, mon conseil: offrez vous une plongée dans le New York des années 20 !! (par Marc)
Rosa Candida – Audur Ava Olafsdottir
Un véritable plaisir. Une lecture d’une beauté pure et simple.
Quand le jeune Arnljótur décide de quitter l’Islande et sa famille pour aller dans un monastère à l’autre bout de l’Europe, dans un pays dont on ignorera le nom tout au long du roman, il sait que sa vie va irrémédiablement changer. De sa maison familiale, il emporte trois pieds de cette « Rosa Candida » variété rare à 8 pétales. Il nous fait partager des moments touchants avec son frère autiste et son père, veuf, qui apprend doucement à cuisiner grâce au carnet de cuisine que sa femme avait écrit au fil de sa vie. De cette mère trop tôt disparue, il a gardé l’amour des roses. Et de leur contemplation. Et puis il emporte aussi la photo de Flora Sol, une petite fille pétillante de neuf mois, issue d’une histoire de quelques heures. Sa fille. Celle qui lui révèle tant de choses sur la paternité, innocemment…
Dans ce monastère où il est employé comme jardinier il va découvrir l’amitié, le cinéma et ce fabuleux jardin qui était l’une des plus belles roseraies du monde, désormais à l’abandon. Il va le faire revivre doucement… L’éclosion des roses et l’émerveillement qu’elles procurent. Et puis, contre toute attente, étrangement, il va apprendre à devenir un père attentif et curieux, donnant à sa fille un amour inattendu pour lui… Un livre tendre et apaisant. Vous savez, ce genre de livre que l’on découvre par hasard chez son bouquiniste et qui nous offre une magnifique surprise. Celle de cette histoire et de la plume exceptionelle d’Audur Ava Olafsdottir. Cette auteure islandaise dont « La couleur rouge de la rhubarbe » m’avait déjé transportée dans son univers poétique et si vivant. A lire absolument.
Du haut d’un brin d’herbe, on voit bien la Terre – Antoine Paje
Arthur est un chercheur qui rêve de trouver un remède contre la maladie d’Alzheimer. Il vit au rythme de son travail et des soirées tranquilles auprès de celle dont il est amoureux. La seule ombre au tableau est ce chat imposé par la vie à deux et qu’il ne supporte pas. Mais un jour, cette vie toute tracée s’écroule. Et Arthur décide de tout plaquer. De commencer une nouvelle vie ailleurs. Une vie à l’opposé de ce à quoi il aspirait.
Il quitte donc les labos aseptisés pour une campagne remplie d’insectes dont il a horreur. Il va apprendre à bricoler, à retaper sa maison, à reconstruire sa vie, sous l’oeil amusé des voisins et des habitants de ce village qui voient en lui un parisien original en mal d’espaces verts… Mais c’est sous estimer la capacité d’adaptation de cet homme de sciences face à une nature omniprésente et à les petits couacs du quotidien. Un livre qui fait sourire. Un livre qui donne envie de campagne. Un livre qui fait du bien.
Les recettes de la vie – Jacky Durand
Julien grandit auprès d’un père cuisinier dans une petite gargote d’une ville de l’est de la France. Si ses copains jouent dehors, lui joue à apprendre la cuisine. Un jeu d’enfant pour ce gamin à la sensibilité évidente. Il observe, analyse, imite, découvre… Et admire ce père qui fait d’un bout de viande, un festin pour se clients. Un jongleur aux ingrédients simples. Un magicien des saveurs rustiques. Un simple cuisinier à la dextérité sans pareil.
Julien grandit au milieu des casseroles et des tas de légumes à éplucher, aimant plus que tout cet équilibre entre son père rustre mais aimant et son ami de toujours, Lucien, rencontré dans le maquis en Algérie. Les années passant, une évidence s’impose doucement; il sera cuisinier. Deavnt le refus obstiné de son père, il va chercher à découvrir les secrets cachés dans ce carnet de cuisine… Celui qu’il n’a pas le droit de toucher et que son père a failli brûler un jour. Celui que sa mère avait commencé à remplir de sa si belle écriture… Un carnet comme une clé aux énigmes de sa vie… Un livre léger mais qui ne l’est pas vraiment… comme une mousseline à la vanille. Et c’est délicieux une mousseline à la vanille de temps en temps… Un livre qui donne furieusement envie de cuisiner un ragoût de bœuf au laurier, à deux. Un livre en souriant et avec gourmandise.
Le rêve d’un fou – Nadine Monfils
Le Palais Idéal du Facteur Cheval. Ce palais sorti tout droit de l’imagination, de l’imaginaire incroyablement prolifique de ce facteur qui a consacré 33 ans de sa vie à le réaliser dans son jardin. Pierre par pierre. Des pierres ramassées au fil de ses tournées ou de ses promenades. Certains l’ont considéré comme fou.
Mais fou il ne l’était pas. Il avait juste ce rêve original de construire un palais, comme des histoires sans fin racontées à ses enfants partis trop tôt. Un palais comme une bouée de sauvetage dans un torrent violent d’une tristesse infinie. Un palais qu’il a rempli de vies imagées, rêvées, aux multiples influences spirituelles et artistiques. Un palais pour ceux qu’il pleura en silence toute sa vie. Ce facteur original, raconté tendrement par Nadine Monfils, semble nous expliquer pourquoi à Hauterives, dans la Drôme, nous devons aller lui rendre visite… Sa douce folie poétique, son désespoir, sa détermination qui l’ont poussé à ériger ce palais nous envahissent d’une palette d’émotions toutes plus troublantes les unes que les autres.
Il a terminé son palais à l’âge de 77 ans. 9 ans plus tard, il posait la dernière pierre au « tombeau du Silence et du repos sans fin ». Il y repose désormais. Un livre rempli d’espoirs en la vie. A lire en souriant. Les yeux humides.
L’été des lucioles – Gilles Paris
Lire un livre de Gilles Paris, c’est retomber délicieusement en enfance. Retrouver les parfums des glaces à la vanille ou au chocolat, les plaisirs innocents des jeux d’enfants, les premiers émois amoureux, le bonheur de voir un papillon se poser sur son épaule, la fascination pour les nuées de lucioles qui envahissent les soirs d’été… Victor est un enfant de 9 ans qui part avec ses deux mamans et sa grande sœur ado, adepte des fugues, en vacances à Cap Martin. Son papa, un adulte qui refuse de grandir, une sorte de Peter Pan triste et nostalgique, vit à Paris. Pendant ses vacances, il retrouve Gaspard, son meilleur ami, et Justine, son premier et grand amour.
A eux les joies des baignades, des découvertes des villas bordant le front de mer, vides mais remplies de tant d’histoires, racontées par des jumeaux aussi mystérieux que fantasques. A travers ce récit, on regarde Victor grandir, s’interroger sur la vie en général, sur celle de ses proches en particuliers. De jolies réflexions qui font sourire… Parce qu’elles sont si justes et vraies. Et ces aventures auxquelles on aimerait prendre part. Qui d’entre nous n’a jamais rêvé de visiter des demeures abandonnées, vides? Malgré le côté effrayant et inconnu… « Le Château de ma mère » de M. Pagnol n’est pas si loin…
« L’été des lucioles » est un délicieux mélange d’un récit initiatique et d’un conte…Mais pas de fée. De lucioles. Avec toute la magie et la fascination qu’elles nous offrent. Gilles Paris a la chance d’avoir su garder cette candeur, ce don de nous montrer les petites choses que seuls les enfants peuvent voir, ou ressentir… Et que de trop nombreux d’entre nous ont oublié, en grandissant, en vieillissant. Et c’est dommage.
Pour l’amour d’une île – Armelle Guilcher
Quand Marine revient sur son île natale pour remplacer le médecin partant à la retraite, elle se heurte à l’hostilité à peine voilée des habitants. Pas forcément surprise, connaissant le caractère bien trempé des insulaires, elle va aborder sa nouvelle vie avec une certaine philosophie, consciente que les raisons de cette froideur sont anciennes… Du temps où Marine et son frère étaient des enfants… Et où ses parents ont disparu dans des circonstances sombres, laissant le grand-père assumer ce rôle paternel. Marine se remémorera son histoire. Celle de sa famille. Et saura qu’elle ne parviendra pas à se faire accepter sans ressortir les vieux démons de l’histoire de son île.
Une histoire superbe qui sent le varech, le parfum du sel sur la peau, les crêpes au beurre salé et le Kouign Amann craquant. Parfois aussi froide que la pluie bretonne. Aussi dure que la roche sur laquelle viennent s’écraser les vagues déchaînées. Mais d’une immense tendresse par moment. Un amour de la Bretagne qu’Armelle Guilcher décrit superbement. Un immense coup de cœur.
Les fleurs de lune – Jetta Carleton
Quatre filles qui grandissent dans une ferme américaine au début du XXème siècle. Quatre personnalités différentes. Quatre tempéraments opposés. Quatre destins. Jessica, Léonie, Mary et Mathy. La première s’enfuira à 18 ans de la maison. La deuxième ne choisira pas le meilleur époux. La troisième partira faire carrière à New York. Et la dernière essaiera de vivre librement, selon ses propres envies.
Le temps de cette lecture, on plonge au cœur de l’Amérique profonde, celle des grands espaces, des pains de maïs, des balancelles sur les terrasses en bois, des tablées dominicales, des histoires de village, de la modernité qui s’invite lentement dans le quotidien de ces agriculteurs, des travaux des champs dans l’été étouffant… L’histoire d’une famille. Une simple famille. Avec ses disputes, ses conflits de génération et de culture. Et ce moment que tous aiment, plus que tout, partager: l’éclosion des Fleurs de Lune… C’est lumineux, agréable et admirablement bien écrit… À lire absolument.
Et encore… (Cliquez sur l’image pour avoir accès à la chronique concernée)
[…] écriture est puissante, mêlant une rare poésie et une narration bluffante. Un voyage au cœur de l’Amérique profonde, avec le plus beau et le plus laid de cette société américaine. A lire […]