Le Coin des Mecs

Presque pas comme les autres.

Presque pas comme les autres.

J’ai envie de vous parler d’un copain à moi, un ami. Enfin, un mec que j’aime bien. Il doit avoir à peu près mon âge, peut-être un peu plus jeune, je sais pas trop. Vous allez certainement dire que tout cela ne vous dit pas grand-chose, vous ne connaissez pas mon âge. On va dire qu’il doit avoir la quarantaine, approximativement. Je ne vais pas trop me vieillir quand même, le temps s’en charge, il n’a pas besoin de mon aide. Il est marié à une petite nana que je connais assez mal. Ils s’aiment, en tous cas ils ont l’air de s’aimer. Il y a quelques années, cette petite nana s’est retrouvée enceinte. A vrai dire, les petites nanas, comme les grandes, se retrouvent rarement enceinte. Généralement, elles font tout pour l’être. Vous consentirez aisément qu’il s’agit bien souvent d’un état voulu qui n’est que la conséquence d’un acte pour le moins volontaire. Bref, la voilà enceinte. La grossesse se déroule normalement. Elle a des nausées, il est nerveux, elle veut des cerises, il n’a que des fraises, il repeint la chambre, elle ne le supporte plus, ils s’engueulent, il achète un doudou rouge, elle le trouve moche, elle en voulait un vert…. Bref, la grossesse se déroule normalement… Ils vivent dans une belle petite baraque à la campagne, il revend sa moto, range son blouson en cuir dans l’armoire et devient accro à google pour vérifier sans aucune zone d’ombre qu’il n’y a pas d’allergène dans le mytosil.

Je continue à le voir durant ces neufs mois d’agitation, mais de manière sporadique. Normal, logique et dommage quand même. Si ! Dommage quand même. La vie leur fait alors le plus beau des cadeaux quand elle donne naissance à un petit garçon. Je ne vous donne pas le prénom, il ne vous plaira peut-être pas. Je dis que la vie leur offre le plus beau des cadeaux car ils ont l’immense privilège d’être parents après la trentaine. Et j’y vois là une énorme différence avec le fait d’avoir un enfant plus jeune. Vous savez, cette période bleue, entre vingt et vingt-cinq, vingt-six ou vingt-sept ans, à l’âge où l’on se dresse en créancier du temps, cet âge béni où l’on demeure convaincu que la vie nous doit tout et donc qu’elle nous le donnera naturellement. C’est seulement après trente ans que l’on s’aperçoit qu’il faudra gagner chaque galon si on veut pouvoir les coudre fièrement à nos épaules. Il y a alors deux écoles bien distinctes. Celle des « entêtés » qui ne veulent rien lâcher, qui ne consentent à renoncer à aucun bonheur, si futile soit-il, qui continuent à avancer tête baissée et qui finissent bien souvent par s’éclater contre un mur à force de courir en regardant leurs pieds. Et puis celle que l’on nommera l’école des « raisonnés » qui accepteront d’abandonner en chemin quelques unes de leurs ambitions fondamentales pour alléger leur paquetage. Devenir parent après trente ans, c’est être déjà parvenu à souffler le superflu, à renoncer à l’accessoire. Devenir parent après trente ans, c’est quelque part une forme de capitulation napoléonienne, c’est avoir cette capacité précieuse de refuser d’engager ses troupes dans une bataille qui, même si elle s’avère finalement couronnée de la plus grande des victoires, n’apportera rien à la grandeur de notre empire. Devenir parent après trente ans, c’est magnifier cette maturité qui permet d’apprécier pleinement la sacralité de l’arrivée d’un enfant. On va se calmer un peu car je vous entends déjà fredonner « il est né, le divin enfant… » et autres ritournelles enfantines qui ne pourront que nous éloigner du propos initial.

Revenons donc à mon pote, sa petite nana, sa jolie baraque, sa campagne et donc, son gamin. Tout roule. Le volume mammaire de la petite nana a été multiplié par quatre pour le plus grand bonheur du papa et du petit bonhomme qui se régale. Un lolo, un dodo. Un dodo, l’autre lolo. Le monde est beau. Les semaines se succèdent et tout va bien. Je passe régulièrement, mais pas trop souvent quand même, pour les voir. Surtout lui. J’embrasse la petite nana et je prends le bébé dans mes bras. Quelques secondes, pas plus. Je sais pas trop comment faire avec les baigneurs. Je suis pourtant père mais j’ai tout oublié. J’ai toujours peur de les voir se tordre pour finalement se casser comme les couvercles des boîtes en polystyrène qu’on trouve dans les poissonneries. Ou quelque chose comme ça. Enfin, un truc vraiment effrayant. Alors je préfère redonner rapidement le gosse à la maman en prétextant une quelconque maladresse chronique.

Deux ou trois printemps et autant d’hivers ont passé, je sais plus exactement, mes cheveux sont devenus un peu plus gris, mon copain est toujours heureux et la petite nana a retrouvé un volume mammaire plus conforme à sa silhouette originale. Il s’en fout le petit, il mange désormais comme s’il était humain. Le papa est un peu plus aigri. Si, ça se voit, même s’il certifie le contraire, il est des émotions que l’on parvient difficilement à masquer. La maquette commence à trouver le temps long dans son trotteur à roulettes, il se cogne contre les murs, il ne parvient pas à passer sous les tables et il éprouve énormément de difficultés à réaliser des créneaux corrects au moment de stationner sa charrette multicolore. Le chauffard est donc logiquement sorti de sa bagnole cabossée pour illustrer un moment crucial de l’évolution de notre espèce en se redressant subitement sur ses petites pattes arrière. Comme un miracle, Bouddha a enfin accepté de se lever, le bipède est né. Il faut lui apprendre à marcher et mon copain parcourt sa jolie petite baraque en voutant ses cent-quatre-vingt-douze-centimètres pour permettre aux petites mains potelées de l’ancien bouddhiste de saisir ses deux pouces. Ça marche ! Le spectacle me fait penser à une ancienne gloire du basket américain, retraité depuis bien trop longtemps et à qui on aurait demandé de venir présenter la nouvelle mascotte de la NBA. Je peux pas garder tout ça pour moi. Je le dis à mon pote. Ça nous fait marrer. La petite nana un peu moins. Il faudrait étudier cela avec un grand théoricien en mathématiques appliquées. La probabilité d’une éventuelle proportionnalité entre le volume des glandes mammaires et le sens de l’humour. Je sais pas.

Nous nous perdons de vue le temps d’un été, chacun part en vacances de son côté et le petit marcheur curieux s’en va manger un peu de sable sur une plage de Vendée. A la fin de l’été, mon pote me téléphone en me disant simplement qu’il « a besoin me voir ». Sans aucune explication. Ça fait toujours paniquer quand quelqu’un que tu apprécies vraiment te dit ça. Tu te dis qu’il a un service énorme à te demander, une requête à laquelle tu pourras difficilement accéder ou bien qu’il des emmerdes à ne plus savoir qu’en faire et que dans ce dernier cas, tout ce qu’il a trouvé à en faire de ces emmerdes, c’est de t’en refiler une partie. Enfin, ça fait peur quoi. Je ne m’étais pas trompé. Dès que j’arrive chez lui, la petite baraque est devenue moins jolie, la petite nana est encore plus petite, comme si elle voulait disparaître et les cent-quatre-vingt-douze centimètres de mon copain ne peuvent lui offrir rien d’autre qu’une silhouette de nain irradié tout juste échappé de Tchernobyl. Je demande immédiatement des nouvelles du couvercle en polystyrène. Il est dans sa chambre, il dort. Je comprends en voyant leurs visages qu’ils m’excuseront d’ignorer les mondanités. A cet instant, je me fous de leurs vacances tout comme ils se foutent des miennes. Mon pote m’explique rapidement, après tout je suis venu pour ça, qu’ils ont dû faire tout un tas d’examens en rentrant de vacances parce que le petit ne parvient pas à marcher. Il ne tient pas debout. Comme un petit, mais un petit vieux. Je vous épargne le nom de la maladie, je m’en souviens même pas, mais c’est un nom qui sonne comme une insulte. Un truc connu, bien connu des médecins, pas une maladie orpheline, mais un truc qu’ils ne peuvent pas traiter. La petite nana est en larmes. J’ai plus du tout envie de me marrer et je regrette toutes mes conneries. Le théoricien en mathématiques, Bouddha, le polystyrène, la NBA… Enfin, tout quoi.

Je sais pas quoi faire. L’humour est bien souvent la dernière solution quand on pense avoir envisagé toutes les autres. Mais là, je peux pas. Pas quand on touche à un gosse. Alors je sais pas quoi faire. Je suis pas médecin, je suis pas chercheur, je suis juste un mec normal, ou à peu près normal, mais à cet instant précis je sais plus ce que je suis. Peut-être parce que je me sens plus rien du tout. Je sais pas quoi faire. Je tente seulement de maintenir en place le plafond qui leur tombe sur la tête. En essayant simplement de les protéger, comme un copain, comme j’aurais aimé qu’un copain le fasse pour moi. Je sais pas quoi faire alors je les écoute pleurer et je les regarde parler. Il parle, elle pleure, je suis comme un idiot. Dans ces cas là, tu essayes toujours de rassurer, pensant que ce sera suffisant, en balançant des conneries du style « les médecins sont vraiment sûrs ? La recherche avance, peut-être que dans quelques années… » Enfin des trucs qui servent juste à gaspiller ta salive pour t’éviter de cracher à terre tout ton dégoût. Tout ça a duré très longtemps, je sais pas exactement combien de temps, mais très longtemps jusqu’à ce que la petite nana ferme les yeux sur son canapé. Mon pote aussi. Alors je suis parti.

Cette situation merdique a duré éternellement. Enfin, pas vraiment éternellement, mais au moins cinq, six ou sept semaines, mais ça m’a semblé éternel. Comme si le temps s’était figé en appuyant toujours plus fort sur une plaie douloureuse. Je suis passé chez eux tous les jours. Tous les jours pendant une éternité. La petite nana pleurait tout le temps, lui faisait tout le temps semblant de pas pleurer tout le temps et moi j’étais là, comme un élément du décor de cette tragédie minable, convaincu que le seul fait d’être là allait suffire. Je voyais presque plus le gamin. Vissé à son plumard, il en sortait que pour manger et être changé. J’étais gêné d’être là, gêné de ressentir ce que je ressentais. J’ai eu, à un moment, l’impression qu’ils avaient honte d’avoir raté leur gosse. C’est horrible de ressentir ça. C’est encore plus horrible de le dire. Je sais. Je regrette déjà de l’avoir écrit mais c’est comme ça, parfois je réfléchis trop. Je sais pas pourquoi, mais parfois, devant des situations vraiment compliquées, je réfléchis trop.
A la fin de la cinquième, sixième ou septième semaine, je sais plus trop, enfin à la fin de l’éternité, je suis arrivé un jour chez eux et mon pote était seul. Sa petite moitié était partie chez sa mère. Ce jour là, il m’a parlé pour la première fois. Enfin, vraiment parlé. En arrêtant de sortir toutes ces conneries qui rassurent les petites nanas et les grandes aussi. Il m’a dit qu’il ne voulait pas pleurer devant sa femme mais qu’il passait des nuits entières enfermé dans son garage à essayer de fumer des clopes que ses larmes s’entêtaient à éteindre. Il m’a tué quand il m’a dit ça ! J’imaginais ce grand mec solide qui pleurait comme un gosse. Ça m’a tué ! Mais je savais pas quoi faire. Alors je suis parti.

J’ai déserté pendant trois jours. Trois jours sans aller chez eux mais trois jours durant lesquels j’ai pas arrêté un seul instant de penser à tout ça. Je faisais rien, je restais chez moi, je lisais pas, j’écrivais pas, je jouais pas de guitare, je chantais pas. Rien. Je laissais la télé allumée, juste pour avoir un bruit de fond, juste pour pas entendre les cris du silence. Ça a duré, duré, duré et puis il y eu ce reportage à la con. Un reportage sur Oscar Pistorius. Pas l’Oscar Pistorius qui a tué sa copine mais celui qui courrait sans ses jambes. C’était beau. On le voyait tout petit. Il jouait dans le sable comme s’il en avait rien à foutre qu’un de ses pieds ait été bouffé par des piranhas et l’autre par la baleine de Pinocchio. On voyait ses parents. Le père protecteur, la mère attendrie et souriante, comme une maman. Ça avait l’ait de marcher ! Ça marchait ! On a vu toute sa vie, de ses premiers pas sur ses prothèses jusqu’à son apogée quand, après bien des combats, il a pu participer aux jeux olympiques avec les athlètes valides. Ce mec et ses parents s’étaient battus toute une vie simplement pour arrêter de courir à cloche pied, pour gagner le droit de donner un énorme coup de pied aux culs de tous ces mecs qui avaient leurs deux jambes. C’était beau, juste vachement beau.

Alors je suis retourné voir mon pote et sa nana. Même si dans ces cas là on compte plus sur le pote que sur la nana. Enfin moi, je comptais plus sur mon pote que sur sa nana. Je sais pas si vous l’aviez remarqué mais quand on écrit « je comptais », il suffit d’inverser deux lettres pour obtenir « je compatis ». Mais j’avais déjà compati, on avait déjà tous trop compati, alors je comptais sur eux. Cette fois-ci, je me rendais dans la petite baraque pour leur parler. Pour vraiment parler. La petite nana était devenue minuscule et mon nain atomique de copain était défiguré. Alors on a parlé. Enfin, moi j’ai parlé. Eux, ils ont écouté, toujours collés à ce putain de canapé moche qui gardait les empreintes de leurs corps même lorsqu’ils se relevaient. Je leur ai parlé d’Oscar Pistorius en leur expliquant que la seule issue était de faire du Pistorius. Et qu’ils avaient le choix. Ou le Pistorius qui avait tué sa fiancée, ou le Pistotius qui avait tué les préjugés. A eux de juger. Mais il fallait flinguer quelqu’un ou quelque chose. Je leur ai juste offert mes mots comme ils sortaient de ma bouche, sans les travestir. Je leur ai dit que j’avais un flingue, que je voulais bien leur prêter et j’ai dit à mon pote qu’il n’avait plus qu’à mettre une balle dans la tête de sa femme, une dans celle du gamin et une dans la sienne. Voilà, tout serait fini, plus de problème. J’ai vu qu’à cet instant, la petite nana m’a détesté et que si elle avait tenu mon flingue dans ses mains, la balle aurait été pour la mienne de tête. J’ai ensuite laissé le silence parler à ma place. Pendant deux ou trois minutes. C’est long deux ou trois minutes quand le silence vous hurle aux oreilles. J’ai ensuite repris la parole en leur disant qu’ils pouvaient aussi s’inspirer du Pistorius qui avait lutté. Si Pistorius avait réussi à faire les jeux olympiques avec des guiboles en plastique, leur gamin pouvait bien aller à l’école à pieds. C’était pas très loin en plus. Je leur ai demandé d’arrêter d’être des victimes, de se relever, de se lever pour aider un gamin englué dans ses problèmes d’équilibre à redevenir le couvercle en polystyrène ou la mascotte de la NBA qu’il avait été. Je mens souvent mais là, j’ai pas voulu leur mentir. Je leur ai dit que ce serait dur mais que si c’était mon gosse, j’hésiterais pas une seule seconde. Je leur ai juste dit qu’ils devaient redevenir une famille en acceptant simplement d’être une famille presque pas comme les autres. Ils m’ont regardé tous les deux en mouchant leurs nez rouges. J’ai juste dit qu’ils me faisaient penser à deux clowns. Ils ont souri. Ils ont souri ! Mon copain m’a serré contre lui en me disant « T’es fort et si tout cela t’était arrivé, à toi, t’aurais su réagir ». J’ai juste répondu que « ça m’était arrivé aussi, puisque j’étais là ».

Depuis ce jour là, c’est un peu comme si j’étais devenu le parrain du gosse, même s’il n’y a rien d’officiel, je crois pas trop en tous ces trucs religieux. Mais bon, je suis comme le tonton préféré qui serait pas vraiment de la famille. Le gamin a grandi, il va maintenant au collège. Et il marche. Il fera jamais les jeux olympiques, il sera jamais danseur de tango, mais il marche. Il marchera toujours plus lentement que les autres, mais on s’en fout nous, la petite nana, mon copain, moi, on s’en fout parce qu’il réfléchit tellement plus vite que tous les autres bipèdes qu’il arrivera toujours avant eux à destination. Et ça suffit à rendre tout le monde heureux. Et il faut bien tout ce bonheur pour remplir les réservoirs, pour lutter au quotidien, parce que je vous assure que c’est souvent compliqué. Pas à cause du gamin ou de ses parents, mais à cause de tous les autres. Mon pote est devenu un vrai combattant, il a le cœur le plus vaillant que j’ai jamais vu. A côté de lui, Richard cœur de lion a été rétrogradé au rang de simple fromage. A chaque rentrée scolaire, il part à la guerre contre un système qui veut impérativement orienter son gosse vers des structures spécialisées. Depuis l’école maternelle, il a dû faire face en s’opposant à des interlocuteurs qui prétextaient ne pas avoir la formation nécessaire. Mais merde, il faut quand même pas être Freud pour surveiller qu’un gosse se casse pas la gueule dans la cour de récréation. Il faut pas avoir un diplôme de pompier pour aider un gosse à enfiler un chausson. Non, il faut juste avoir un cœur et se dire que ce gamin presque pas comme les autres, ça pourrait être le notre. Mais ils ont fait face, lui, sa femme, le petit. Ils ont fait face en sachant repousser cette soi-disant aide qui consistait simplement à le débarrasser du poids qu’il trainait, comme si la société voulait lui enlever l’enclume qui trônait sur ses épaules et qu’en plus il fallait lui en être reconnaissant. Mais mon pote a tout refusé. En bloc. Il a refusé parce qu’il n’a jamais porté d’enclume. Il a juste aidé un couvercle en polystyrène à prendre son envol. C’est léger le polystyrène, un simple petit coup de vent et le voilà qui s’élève en suivant les courants ascendants.

Le seul truc, c’est que tu dois jamais t’endormir. Jamais. Tu dois toujours lutter comme si tu devais tous les jours frotter le front de ton gosse avec un coton imbibé d’acétone pour effacer les traces de l’autocollant que le monde entier veut impérativement lui coller sur le front. Tu sais, l’autocollant carré, tout bleu, avec un fauteuil dessiné en blanc dessus. Mais ça marche ! Le gamin a toujours été premier de sa classe. Il a la même vie que ses potes. Il marche même pas moins vite, il marche juste plus lentement. Et plus lentement c’est mieux que moins vite. Dans plus lentement, il y a un plus. Il faut juste pas oublier de frotter tous les jours. Il faut pas oublier le coton. Mais quand le gamin rentre de l’école en bus, avec ses copains et avec son sourire, à cet instant précis, quand son père le voit arriver doucement au carrefour, et bien, mon ami, à ce moment là, il est prêt à cultiver tous les champs de coton de cette putain de planète. Et même à chanter du Gospel ou du Blues s’il le faut.

Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de mon pote. On se voit régulièrement. La petite baraque a retrouvé ses couleurs, la petite nana son sourire et lui ses cent-quatre-vingt-douze centimètres. La dernière fois que je l’ai vu, il sortait de la piscine avec son fils. Il m’a dit un truc que je suis pas prêt d’oublier, il a vraiment des couilles mon pote. Il m’a dit « tu sais, j’accepte le handicap de mon fils, mais j’accepterai jamais qu’on le regarde comme un handicapé ». Il a vraiment des couilles. Je suis heureux d’avoir un pote comme lui. Il est juste devenu un mec presque pas comme les autres.

Voilà l’histoire de mon pote. Il s’appelle Pierre, sa femme Claire et le petit Matt. Mais je suis un menteur. Un grand menteur ou un gros menteur, comme vous voudrez. Mais un menteur. Le mec dont je vous parle depuis le début de cette histoire n’a jamais existé. Mais il aurait bien aimé avoir un copain comme moi. J’en suis convaincu. Vous allez certainement me dire « comment peux-tu être sûr qu’il t’aurait voulu comme ami ? » Je le sais. Je vous le dis parce que je le sais et je le sais parce que ce mec, c’est moi. Et un ami, à quoi ça sert si ça ne partage pas la misère ? Et je vous garantis que j’aurais aimé avoir un ami sûr, juste pour m’aider à panser mes blessures.
Et nous aimerions tous avoir un ami parce que cette histoire pourrait subitement devenir notre histoire, que nous pourrions tous vivre dans cette petite baraque et que cette famille presque pas comme les autres pourrait être la nôtre.

Voilà. J’ai écrit ces lignes le 26 février, simplement parce je réfléchissais à un truc qui s’appelle différence. Avant qu’elles deviennent prémonitoires. Avant que Kylian, le fils de mon pote Dom, soit victime d’un terrible accident. Avant qu’on lui vole une jambe. Avant que la vie devienne dégueulasse. Alors si vous avez encore quelques minutes, rejoignez nous sur Facebook et ajoutez nous en amis: l’association « Passement de Jambes » et faites ce que votre cœur vous demandera de faire. Parce que les mots, ils doivent aussi servir à ça.

presque pas comme les autres

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